L’édition sans éditeurs
André Schiffrin
En 1999, André Schiffrin, dans son livre « L’édition sans éditeurs », dénonce le danger qu’encourent les maisons d’éditions indépendantes dû à la commercialisation du livre par de grands conglomérats qui, pour la plupart d’entre eux, n’ont pas d’intérêts particuliers pour le livre si ce n’est une commercialisation à forte rotation. Pour ce faire, il utilise son expérience professionnelle afin de témoigner contre le changement brutal que subissent les métiers du livre, en particulier les métiers de l’édition.
Scindé en plusieurs chapitres (sept en totalité) et contenant une introduction et une conclusion, le fils du créateur de la Pléiade, divise son œuvre en deux parties. L’une essentiellement historique, l’autre se posant, en quelque sorte, comme une examinassions de l’évolution du métier d’éditeur.
La première partie débute donc avec l’histoire de son père, Jacques Schiffrin, dont dès les années 30, avec la collection de la Pléiade, il consacre sa vie aux classiques du monde entier. Sur le territoire américain, lui-même décide de publier des livres qui apparaissaient clandestinement en France, pour les éditeurs, les journalistes et autres hommes de médias expatriés, si peut nombreux soit-il sur ce continent. Il fut dès lors l’un des seuls liens directs sur l’actualité littéraire, politique ou médiatique de l’Hexagone pour les français d’Amérique.
Après la mort de son géniteur, André Schiffrin devient éditeur chez Pantheon Books aux Etats-Unis, qui dès la publication du roman russe de Boris Pasternak, Le Docteur Jivago, connaît un succès tel, que l’auteur soviétique devient Prix Nobel, ce qui en fait un best-seller international. Dès lors Pantheon Books est submergé de commande et passe d’une maison marginale luttant pour sa survie à une société fortement bénéficiaire.
Ainsi, la forte hausse économique de la maison d’édition attise rapidement l’intérêt de bon nombre de grands groupe d’édition, dont Random House, filiale du conglomérat allemand Bertelsmann, qui a été littéralement englober par RCA, géant de l’électronique et de l’industrie du divertissement. Celui-ci ne tardera pas à racheter Pantheon Books. Par ailleurs RCA revendra Random House à S. I. Newhouse dans un lapse de temps relativement faible. Le but de ces grands conglomérats est alors totalement fondé : engendré autant de bénéfices avec l’édition que dans des branches commerciales à forte rentabilité, ce que Schiffrin nous démontre donc dans un deuxième partie, dirons nous.
En effet l’auteur de L’édition sans éditeurs dénonce donc un fait : les maisons d’éditions bien qu’elles soient indépendantes se voient contraintes d’augmenter les bénéfices : « Maintenant la question est de savoir choisir des livres qui vont faire un maximum d’argent, et non plus ceux qui correspondent à la mission traditionnelle des éditeurs » (p.63).
Panthéon se voit donc dans l’obligation de développer son catalogue. C’est pourquoi, afin de pouvoir élargir et atteindre différentes générations de lecteurs, la maison s’est vue contrainte de publier un large panel d’œuvres qui ne lui correspondait aucunement. Le niveau culturel est donc abaissé, à tel point que le livre phare de 1998 est un ouvrage sur des photographies de Barbie. Et la censure n’arrange pas non plus l’avenir de la maison, puisqu’elle est grandement incitée à produire des livres de droite correspondant davantage aux partis politique de la société mère.
Le rôle de l’éditeur perd alors son sens premier, qui est celui de provoquer l’attention du lecteur sur un texte dont la portée intellectuelle lui semblerait bien trop complexe. Le marché du livre ne se retrouve plus dans une situation oligopolistique, ce qui n’arrange, bien évidemment, pas le devenir du métier.
Avec un tel état d’esprit l’avenir des maisons d’édition est alors tracé : ce concentré sur des livres similaires, dont l’intellect semble trop peu présent. Mais aussi la perte de ce qui pourrait être des genres nouveaux, innovants, comme ce fut le cas grâce aux Editions de Minuit, qui ont permit le développement du Nouveau Roman, et son intégrité auprès du peuple français.
Les éditeurs n’osent plus prendre de risques, et se concentrent donc sur une formule prédéfinie, mais les best-sellers ne sont pas forcément de bons livres, à portée visionnaire, intellectuelle, engagée…
Il faut, par dessus tout retrouver cette définition première de l’édition indépendante, une édition avec l’absence de liens juridiques ou financiers avec les « grands » groupes.
Bien que ce livre est un véritable mode d’emploie pour quiconque désir devenir un éditeur, ce qui apparaît dans l’œuvre d’André Schiffrin, est tout d’abord le fait qu’il s’adresse tout bonnement au public français, comme il le dit lui même p.12 « Ce livre s’adressant au public français… ». Bien que dans cet ouvrage ce soit l’édition américaine qui soit remise en cause, du fait de la marginalisation des maisons indépendantes, voir de leurs disparitions. De plus selon certaine recherche ce livre aurait été publié en 2000 aux Etats-Unis, soit un an après la diffusion française, avec un contenu qui paraitrait assez différent du texte d’origine. Pourquoi « censurer » son œuvre dans un pays ou un message de cette importance à besoin d’être clamé ?
Bien que Schiffrin est une vision assez utopiste concernant les lecteurs « ils n’ont pas disparu, il suffit d’aller les chercher » (p.81) il arrive cependant, en moins d’une centaine de pages, à nous exposer les faits effrayant de l’indépendance des maisons d’éditions en Etats-Unis.
C’est dès lors qu’on comprend tout les bénéfices que nous a prodigué une loi entrée en vigueur le 1er janvier 1982 : La loi Lang.