« L’adjudant Cédric Delmas a perdu la vie lors d’une embuscade dans le cadre de sa mission au Levant. C’est arrivé hier aux alentour de quatre heures du matin… » Et voilà, nous étions des veuves de guerre, une expression qui était « d’une laideur archaïque non dépourvue de noblesse. Nos hommes étaient des héros, ce qui faisait de nous des héroïnes. »
Voila une difficile et troublante entrée en matière pour le second roman, « L’Embuscade », directement inspiré de l’expérience militaire de son auteure, Émilie Guillaumin… et, malheureusement, de la plus triste et terrible actualité trop souvent renouvelée.
Après des études de lettres à la Sorbonne, de criminologie à New York et une expérience de journaliste sur Radio Classique, Émilie Guillaumin s’est installée à Miami où elle a exercé plusieurs métiers : journaliste encore, mais aussi professeur de français, agent d’assurance, serveuse, livreuse de journaux… Entre temps, elle a passé deux ans au sein de l’Armée de Terre française, aventure qui lui a inspiré "Féminine", son premier roman publié en 2016. Depuis, elle travaille de nouveau au Ministère des Armées, et continue à écrire.
Alors quoi ? Tout d’abord, pour le bordelais que je suis, un très fort parfum d’authenticité ! De réel et de vécu. Pourquoi ? À cause des noms de lieux : Martignas-sur-Jalle, Saint-Jean-d’Illac, Saint-Médard-en-Jalles, ou encore, le camp de Souge, l’usine Dassault Mérignac… autant d’endroits qui me sont familiers, non seulement dans la proche banlieue bordelaise, mais situés à l’Ouest de l’agglomération, là où je travaillais, là où j’habite… je suis chez moi, dans ce livre (à défaut d’être chez moi chez les militaires).
Communiqué de presse : « Le 29 août, quelque part au nord de la Syrie, dans une zone tenue secrète, un groupe de soldats français était tombé lors d’une embuscade tendue par des djihadistes de l’État islamique, qui avait tourné à l’affrontement. Quatre étaient morts au combat, deux avaient survécu. » Terrible. Laconique… et faux. Mais ça, le "pékin" qui lit le journal n’a pas besoin de le savoir.
Mais c’est ce "FAUX" qui plonge Clémence, l’épouse de l’adjudant Cédric Delmas, dans le plus profond désarroi. La plus grande incertitude. Et la pousse à découvrir la vérité sur la disparition de son compagnon. Qu’est-il réellement arrivé à son mari ?
Lors d’un entretien en septembre 2021, Émilie Guillaumin confie : « L’Embuscade s’inspire de deux évènements qui ont eu lieu ces quinze dernières années. Il s’agit de l’embuscade d’Uzbin, en Afghanistan (2008) pendant laquelle dix soldats de l’armée française ont trouvé la mort, et la prise d’otage d’un agent de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) du nom de Denis Alex, en Somalie (2013) par des shebabs. » Pour ce qui concerne les faits.
Quant aux protagonistes et plus particulièrement Clémence : « À l’origine il y a une rencontre avec une femme, une veuve de soldat. Avant de la rencontrer, je ne projetais pas forcément d’écrire sur ces femmes, mais sa force de caractère, son courage et l’amour et l’admiration qu’elle portait à son mari m’ont convaincu de la matière romanesque qu’elle constituait. Alors j’ai rencontré d’autres femmes comme elles. J’ai découvert des héroïnes. »
https://portrait-culture-justice.com/2021/09/portrait-du-jour-emilie-guillaumin-tombe-en-embuscade-chez-culture-et-justice.html
Je l’ai dit, les noms de lieux donnent au texte une sonorité tangible, surtout pour les gens du cru, mais le tour de force de l’auteure c’est de transformer son roman en « témoignage ». Comment y parvient-elle ? Principalement par l’emploi constant de la première personne. On est vraiment dans la peau du personnage central, Clémence, et son expérience passée en tant que lieutenant de l’armée de terre lui a permis de trouver le ton juste et de mener une enquête des plus crédibles.
Un magnifique portrait de femme, un livre tragique et bouleversant… Gare à la chute !...
Juste un bémol : la gloire militaire n’est pas exactement ma tasse de thé.
P.S. : Extraits dans la liste Q - FRAGMENTS