Un livre jeunesse agréable à lire, dynamique, fluide et entraînant. La narration à la troisième personne entrecoupée des récits successifs à la première personne concernant l'éveil des différents animaux lui confère un rythme agréable.

Cependant, je m’attendais, de la part d’un scientifique biologiste, à un récit beaucoup mieux documenté quant au traitement de la conscience animale. Les animaux non-humains y sont décrits comme dénués de toute intelligence avant le virus. Comme un petit air de Descartes et son animal-machine. L’auteur y décrit tous leurs comportements comme étant instinctifs : « Finalement, n’était-elle pas plus tranquille avant, lorsque les choses se faisaient naturellement, sans qu’elle ait besoin d’y penser ? » (à propos d’une corneille nouvellement « éveillée »). De même, des phrases comme « S’il parlait, s’il pensait, il allait sans doute falloir le considérer comme un individu… Comme un humain ? »; « Comment allait il passer de son état d’animal de compagnie à celui d’être pensant ? » ou encore « Il n’y avait pas de place pour des animaux pensants, qu’ils considéraient comme des animaux semi-humains, des animaux proprement contre-nature. » (pour n’en citer que quelques-unes) laissent à penser que les animaux non-humains ne réagissent qu’à l’instinct sans le virus, qu’ils sont dénués de tout projet, de toute réflexion, de toute intelligence. On est là dans de l’anthropocentrisme et de l’anthropomorphisme primaire qui pense l’intelligence de manière unilatérale à partir d’un référentiel exclusivement humain. Cette vision très sommaire et réductrice de l’intelligence et du langage (que l’on résume ici à la parole humaine, comme si les non-humains ne communiquaient pas entre eux…) est fort surprenante de la part d’un scientifique.
Ainsi, De Panafieu donne à penser que la différence entre l’humain et le non-humain est de nature, quand celle-ci n’est que de degrés.

Qui plus est, il n’est jamais question de remettre en question l’exploitation animale à proprement parler, mais seulement ce que l’auteur estime excessif (l’élevage industriel). On est là face à une pensée avortée de base concernant les droits des animaux : on réfléchit aux conditions matérielles de l’oppression pour ne pas réfléchir aux implication éthiques et morales qu’elle soulève dans son ensemble. Un prisonnier reste un prisonnier, même dans une prison dorée.
Avec l’avancée de la science et plus particulièrement de l’éthologie, on sait que les animaux non-humains sont des individus sensibles et pensants, autrement dit : sentients. Or, à une époque où ils subissent plus que jamais l’oppression et la domination du seul animal humain, dans un monde où 1900 individus sont abattus par seconde pour un plaisir gustatif égoïste et inutile de quelques minutes, il me semble criminel de véhiculer ce genre d’idées arriérées et, surtout, scientifiquement erronées…

L’enfer est pavé de bonnes intentions, paraît-il. De Panafieu, en voulant questionner le rapport entre l’humain et les autres animaux ne fait qu’entériner de dangereuses idées reçues tout à fait fallacieuses qui servent de justification a posteriori concernant le sort que l’on réserve à ceux qui n’ont pas eu la chance de naître humains.

Rie_
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le 28 juin 2023

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