Edmond Dantes version Shein

Lorsqu'on s'attelle à l'adaptation d'un des monuments de la littérature du 19ème siècle, il est inévitable d'opérer certains ajustements pour le grand écran. Ces modifications, bien que parfois nécessaires, doivent néanmoins respecter l'essence de l'œuvre originale et la profondeur de ses personnages. Malheureusement, la dernière version cinématographique du Comte de Monte Cristo par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte échoue à cet égard.

Alexandre Dumas a créé un personnage, Edmond Dantes, qui se distingue par son intelligence supérieure et sa capacité à toujours avoir plusieurs coups d'avance sur ses adversaires, ainsi que sur ses lecteur·ices. Dans le roman, les personnages sont déjà mis échec et mat par Dantes avant même d’avoir réalisé que la partie a commencé. Le film, au contraire, prend le parti de tout expliquer à la spectatrice, comme si elle ne pouvait pas suivre l'intrigue par elle-même. Le fameux adage "Show, don't tell" n'est ici absolument pas respecté. Chaque étape du complot du Comte que les scénaristes ont choisi de conserver est explicitement montrée et expliquée, supprimant ainsi toute la subtilité et la complexité qui rendent le roman si captivant. Au lieu de faire confiance à l'intelligence du public, le film le prend par la main, détruisant ainsi l'expérience immersive que Dumas avait si brillamment créée. Cette adaptation simplifie à outrance une œuvre riche et complexe, sous-estime son public et manque cruellement de la finesse narrative et de la passion qui caractérisaient le roman de Dumas. Le comte, écrit pour être un personnage solitaire, mystérieux et magnétique devient ici un être relativement lambda qui répète ses arrivées devant nous et complote avec ses deux acolytes lorsque dans le roman, tous les personnages qui l'entourent font partie de son plan sans le savoir. La stratégie époustouflante de Dantes en prend un sacré coup et le compte perd au passage 150 puntos de charisme, dommage lorsque ce sont ces deux points, précisément, qui forment l'identité de l'œuvre originale.

D'autres aspects du film (tous, en fait) laissent également à désirer. Le jeu des acteur·ices manque de profondeur et d'émotion, rendant difficile l'attachement aux personnages. La musique, trop illustrative et prescriptive, semble dicter aux spectateur·ices ce qu'iels doivent ressentir à chaque instant, au lieu de les laisser se perdre dans l'atmosphère et les émotions du récit. La mise en scène, peu inspirée et parfois maladroite, renforce cette impression d'un film réalisé sans véritable passion ni respect pour le matériau d'origine.

Je reste persuadée que Le Comte de Monte Cristo pourrait trouver une nouvelle vie à l'écran, mais peut-être serait-il plus judicieux de l'adapter en mini-série. Ce format offrirait le temps nécessaire pour développer les intrigues complexes et les nombreux personnages du roman, sans sacrifier l'essence même de l'œuvre.

Pour une adaptation réussie, je vous conseille de vous tourner vers Ganketsuou. Certes visuellement c'est absolument dégueulasse, mais ici les auteur·ices ont su s'emparer du cœur du roman pour en faire quelque chose d'original qui, pour autant, respecte l'esprit du roman. Comme quoi, c'est possible…

Bref, ce film est une mauvaise adaptation, mais c'est aussi un mauvais film tout court.