Parfois, il est préférable de ne pas étayer et laisser l'ouvrage parler par lui-même :


"Le ressentiment est un des facteurs du renversement de cet ordre éternel dans la conscience humaine ; il suscite une illusion qui nous empêche de contempler cet ordre et de le réaliser dans la vie. Tel est le point de départ des considérations qui vont suivre. Fondamentalement, Nietzsche dit exactement la même chose quand il parle du ressentiment qui "fausse la hiérarchie des valeurs". Mais, par ailleurs, c'est un sceptique et un relativiste en éthique. Pourtant une hiérarchie "faussée" présuppose qu'il existe une hiérarchie "juste" sans quoi il n'y a plus qu'une "lutte entre des systèmes de valeur" dont aucun ne serait ni vrai ni faux."


"Le "mensonge organique" (Falsification de la hiérarchie des valeurs) fonctionne chaque fois que l'homme ne veut voir que ce qui sert son "intérêt" ou telle autre disposition de son attention instinctive, dont l'objet est ainsi modifié jusque dans son souvenir. L'homme qui s'abuse ainsi n'a plus besoin de mentir."


"Il y a un abîme entre le fait de tendre vers une certaine valeur positive, avec cet abandon de soi propre à l'amour véritable, et cette manière de se quitter soi-même, en se tournant tout entier vers l'extérieur pour y trouver à se haïr soi-même en s'imaginant aimer autrui. Cet amour est fondé sur de la haine, sur de la haine de soi, de sa propre misère, de sa propre faiblesse. L'âme y paraît toujours partance vers le large et le lointain ! La peur qu'elle a de se voir elle-même dans sa défiance la pousse à se donner à autrui, à un autre quelconque, autre comme tel ; non pour sa valeur positive, mais simplement parce que c'est "un autre", un non-moi. Le jargon philosophique d'aujourd'hui donne à cela le nom très significatif "d'altruisme".

L'amour ne naît plus de la saisie d'une valeur positive, ou d'une soudaine mise en lumière de cette valeur dans l'acte même d'aimer, mais d'une pure évasion de soi, d'une excursion dans les affaires d'autrui."


"De même, les commandements : "Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent ; bénissez ceux qui vous maudissent ; priez pour ceux qui vous offensent ; à celui qui te frappe sur une joue, tends l'autre joue ; et celui qui te prend ton manteau, ne lui refuse pas ton vêtement" (Luc 6, 27-29) ne répondent pas, comme le croit Nietzsche à une passivité qui veut "justifier" son impuissance à se venger ou à humilier son adversaire en raison d'une secrète rancune, ou satisfaire cette attitude paradoxale le secret d'une conscience angoissée.

Ils prescrivent, bien au contraire, une très intense activité contre la vie naturelle de l'instinct qui dicterait des actes tout opposés ; et cela, en vertu de l'esprit profondément individualiste de l'Evangile, qui se refuse absolument à faire dépendre notre action et notre attitude de l'attitude des "autres" ; qui entend empêcher l'individu, dans l'action, d'être rabaissé à un niveau inférieur par l'attitude d'autrui, empêcher son action d'être une réaction à l'égard de l'autre."


"Tout ce qui sert à former le corps et ses forces me sert que comme moments de "détente" après le travail, ou de reprise de forces pour un travail futur ; ce n'est jamais un pur jeu des forces vitales qui aurait une valeur en soi. On ne connaît plus le jeu de la vie pour la vie, pas plus que le jeu de la pensée pour la pensée, comme dans la dialectique des Anciens - tout est fait pour le travail."



Fidem
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le 16 mars 2024

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