"L'ogre" est un roman imbibé par la mort, multiple, réelle ou à venir, où le personnage principal, traumatisé dans son enfance par la figure paternelle, reste hanté, le temps du roman, par ce père tout puissant, qui parasite continuellement ses pensées. C'est également une ode à la vie, au désir, à la jeunesse, aux animaux et à la nature. Dans une prose aux envolées poétiques fulgurantes et qui peut parfois être triviale, Jean Chessex déroule implacablement le destin de Jean Calmet, personnage fui par le bonheur, la joie de vivre, le plaisir... Il ne dégage ni sympathie, ni antipathie, ses rapports sociaux, outre son travail de professeur, l'inclinent vers ses étudiants. Sinon, c'est un solitaire, qui rumine beaucoup (sur son défunt père) et qui ne fait pas grand chose de sa vie personnelle. À ce stade, le lecteur à une forte envie de lui suggérer des séances avec un psychologue, mais non, à aucun moment, cette solution sera envisagée. Le poison instillé par le père le tétanise dans les passages à l'acte. Donc, le lecteur assiste vraiment au calvaire de Jean Calmet à la funeste fin. Personnellement, je considère ce personnage comme masochiste, ayant développé cela avec un "jeu" sadique du père, auquel il prenait un certain plaisir... Les personnages, surtout le père et Thérèse font l'objet de descriptions minutieuses, tant physiques que psychiques. Et même les personnages plus secondaires sont également bien cernés. Cette figure de l'ogre, symbole du père, bien sûr, sujet d'une statue à Berne "La fontaine du Dévoreur de petits enfants" découverte lors d'un voyage scolaire, d'Hitler, qu'il aperçoit avec horreur dans la maison d'une mauvaise rencontre infuse la totalité du roman, qui pourtant souhaite un changement, et le confie un peu naïvement à la jeunesse. Au passage, la religion est mise à mal, comme les institutions, les hiérarchies... Jean Chessex le révolté aurait-il décroché le prix Goncourt avec un vrai roman anarchiste ?