Après un premier livre-témoignage sur le milieu du hooliganisme parisien ("Hooliblack", Hugo Documents, 2011), Cardet reprend la plume pour nous entretenir d’un tout autre sujet : l’histoire du mouvement hip-hop et les raisons pour lesquelles il voit, derrière cette explosion artistique prétendument révolutionnaire, une énorme imposture. Cherchant les prémisses du mouvement dans le cadre des luttes de la communauté afro-américaine des années 1960, l’auteur montre en quelle mesure certains think tanks proches de la gauche progressiste ont pu poursuivre par d’autres moyens le combat initié par le FBI pour neutraliser les ferments révolutionnaires de ces luttes. Une neutralisation qui commence par la pénétration des idées marcusiennes au sein du Black Panther Party (par l’entremise de la militante Angela Davis, elle-même ancienne élève d’Herbert Marcuse), cette « révolution douce et silencieuse comme le cyanure », et se poursuit par la création d’une industrie du divertissement (du cinéma de la Blaxploitation jusqu’au rap) visant à « intégrer enfin le Noir à l’American Way of Life et le rendre dépendant de choses dont il n’a absolument pas besoin ». Derrière ce nouvel exemple de soft power et ces premières expérimentations artistiques magnifiées a posteriori par la légende de la contre-culture s’activent des hommes d’affaires et des professionnels du marketing qui vont rapidement créer des fortunes en faisant du rap une vaste entreprise de placement de produit. On retrouvera ces mêmes hommes chez Apple ou dans l’entourage du Parti Républicain…
Le rap débarquera ensuite en France sur fond d’ethnicisation des problèmes sociaux et à la faveur d’autres hommes d’affaires et d’une grande radio cooptée par le Parti socialiste. « On assiste alors à un évincement de la mentalité historiquement contestataire du prolétariat français au profit d’une mentalité de cité se réduisant à une chouinerie sur la répartition des parts du gâteau. » Adoptant une grille de lecture inspirée de Clouscard, l’auteur aborde tous les chevaux de bataille du rap : la « glamourisation de l’image du deal », la fétichisation de la marchandise, la tartufferie de la "street credibility", l’autostigmatisation, l’instrumentalisation d’un certain islam (la « muslimerie sheitanisée »), la régression hédoniste. « Bras armé du narcissisme », le rap n’est-il rien d’autre que la « matérialisation musicale de la sauvagerie ultralibérale » ? C’est précisément la question à laquelle ce pamphlet propose de répondre.