2015 restera sans doute comme une année des plus heureuses pour l'auteur indonésien Eka Kurnawian qui aura vécu la publication de deux de ses livres en anglais et un en français, publié à l'origine en 2004 : L'homme-tigre. Tout commence par le meurtre sauvage du dénommé Anwar Sadat, artiste peintre de son état et séducteur compulsif par ailleurs, par un garçon appelé Margio, unanimement apprécié pour sa gentillesse, malgré une vie domestique difficile sous le joug d'un père tyrannique et violent. Quel est le mobile de cet assassinat ? Le lecteur le découvrira 250 pages plus tard après une série de retours en arrière qui racontent le quotidien d'une petite ville indonésienne. Réalité sociale et présence de mythes et légendes locales se croisent dans ce roman qui ne manque pas de piquant ni d'exotisme mais qui ne dépasse pas ce stade tant le style très sage ne parvient pas à donner davantage de densité à une histoire dont on est parfois déçu par le peu de développements accordés par l'auteur. Ainsi, le côté paranormal de l'affaire, cette âme de tigre blanc qui se transmet de génération en génération, est-il traité de façon relativement plate et anodine. Aucun ennui dans la lecture de L'homme-tigre mais pas passion non plus. Le romancier n'a t-il pas les crocs suffisamment acérés ? Nous le saurons ultérieurement puisque (l'excellent) éditeur Sabine Wespieser a promis de nous faire découvrir d'autres livres d'Eka Kurniawan.