« Je les observe, nous sommes plus calmes, nous avons moins peur les uns des autres. Il se passe toujours quelque chose quand des gens s’assoient autour d’une gamelle de soupe chaude, partagent un repas et rompent le pain ensemble, disait toujours Leifur. Le cerveau fabrique une hormone, de l’ocytocine, qu’il fabrique également pendant l’acte sexuel et chez une mère qui allaite son enfant. Un amour de nature chimique. La tendresse pardonne et supporte tout, mais peut-être se résume-t-elle à une hormone, à cette force qui nous soigne en nous unissant. Leifur plaisantait, la science apporte ses réponses, mais après tout, chacun croit ce qu’il veut. »
Parution en poche (collection Kayak chez Gaïa) pour ce roman de 2018 qui avait échappé à mes radars et que j’ai dévoré à pleines dents. Nous y suivons un journaliste, Hjalti, qui, lorsque nous le rencontrons, se sépare tout juste dans la douleur de Maria, violoniste au sein de l’orchestre national. Elle vit en Islande depuis quinze ans, en a acquis la nationalité et est tout à fait intégrée. La question ne se pose même pas, en réalité, dans la société islandaise contemporaine. Elle a deux enfants, nés de deux pères différents, et quitte Hjalti parce qu’il est évident qu’il a du mal à les supporter, à les accepter, à créer une relation avec eux. Une nuit, toute relation avec le reste du monde est coupée. Tout fonctionne encore normalement dans le pays (Internet aussi) mais en interne uniquement. C’est comme si l’Islande était le seul pays restant au monde. Ceux qu’on envoie (en bateau, en avion…) voir ailleurs ne reviennent pas, mais la mer n’est ni polluée ni empoisonnée et la météo est normale. Passés les premiers temps de sidération, une nouvelle société se met en place car il est question de survivre, en autarcie… Écrit en 2016 ce premier roman est terrifiant. Il met en scène l’effondrement d’un société tel qu’on le redoute et le fait avec une douceur infinie, qui tranche fortement avec les événements qui se produisent. On l’espère ardemment non prophétique.