Sceptique les cinq premières pages, je suis finalement tombée amoureuse de l'écriture d'Herta Müller, prix Nobel 2009 de la littérature. Son roman n'est pas très accessible car elle nous plonge dès le début dans un quotidien sordide, dans un espace flou et une narration atemporelle. Le fil chronologique revient de temps en temps, le roman contenant à la fois des fragments d'histoire de plusieurs personnages et celle d'un seul trajet dans le tramway. L'auteur nous balade avec une grande facilité entre des souvenirs forts et des descriptions de visages d'êtres inconnus, mais tellement spécifiques au monde de la dictature. Car finalement, ce livre ne fait que décrire la peur et une certaine forme de répression continue, celle qui a comme objectif d'apporter la folie à la personne harcelée. Notre personnage principal, la narratrice, tend d'ailleurs à plusieurs reprises vers la folie. Mais il s'agit presque d'un choix chez elle, dans l'espoir d'être débarrassée de la pesanteur du quotidien.
Cette pesanteur est ressentie tout au long du roman, indifféremment du ton de l'histoire. Je me sentais du coup complètement rigide physiquement en lisant ce livre, car les mots et les métaphores ont une puissance charnelle. Pendant tout le roman, j'ai été enfermée dans l'ambiance du livre comme dans un espace étroit et étouffant. Mais cela ne provoque pas de la répulsion, car on se sent emprisonné et attiré par cet univers et par cette écriture si sensible !