Cette agréable féérie sent la parodie. L'auteur, inconnu, se dénomme Païen de Maisières, et chacun peut sentir qu'il prend ainsi le contrepied de Chrétien de Troyes. Au cas où on n'aurait pas compris, le « vilain » qui aide Gauvain pendant sa quête est un « bronzé » : « il ressemble à...l'un de ces vilains de Champagne que le soleil a tout tannés. » Troyes étant la capitale de la Champagne, on peut y voir une allusion moqueuse à Chrétien de Troyes. Il n'empêche que le dit « vilain » aide puissamment Gauvain au cours de sa quête (et semble connaître les ressources magiques du château tournoyant), ce qui pourrait être une manière pour « Païen » de reconnaître ce qu'il doit – sur le plan littéraire – à Chrétien.
Le parcours de Gauvain vers le château ressemble aux épreuves symboliques du chrétien vers le Paradis, telles que l'on peut en trouver dans « Le Voyage du Pèlerin », de John Bunyan, par exemple.
Le récit présente une symétrie :
• avant d'arriver au château, Gauvain monte la mule privée de son frein, qui retourne droit chez elle au milieu d'une série de dangers
• arrivé au château, on passe du trajet linéaire et rectiligne au vortex tournoyant, et une seconde série d'épreuves, comparable à la première, attend Gauvain. L'adjuvant n'est plus ici la mule, mais le « vilain ».
L'immobilisation du château par le vilain trouve son écho dans le placement du frein retrouvé sur la mule : des deux côtés, un processus instinctif et incontrôlé retrouve une discipline, et on passe de la nature à la culture.
Le chevalier blessé dans le château n'est pas sans rappeler le roi malade du château du Graal. Mais la parodie s'interrompt comme un tour de manège : Gauvain, au retour chez le roi Arthur, n'est récompensé par rien ni par personne, la fille privée de son frein s'en va, Païen de Maisières a bien utilisé les ressources féériques et les codes romanesques de Chrétien de Troyes, et Gauvain, pas plus avancé que cela, pourra repartir indéfiniment à l'aventure pour amuser le public.
Parodie intelligente et ironique.