Niccolo Ammaniti n'a peur de rien. Dans son roman précédent, Comme Dieu le veut, il se colletait, avec une incroyable férocité, au monde des exclus, marginalisés dans une Italie abrutie par la société de consommation. Changement de décor avec La fête du siècle, nous voici dans le monde tapageur des VIP's, un univers d'une vulgarité crasse où starlettes, entrepreneurs, écrivains, chirurgiens esthétiques, footballeurs ..., tous confits dans la vanité de leur importance, vont déguster ..., mais pas de la manière qu'ils imaginaient.
Pour corser l'affaire, Ammaniti introduit un quarteron de branquignols, satanistes à la manque, qui servent de contrepoint loufoque à l'élimination au lance flammes des "pipoles" auxquels l'auteur réserve un traitement de choc qui dépasse l'imagination. Qu'on se le dise, Ammaniti n'a vraiment peur de rien ! A partir de la centième page de La fête du siècle, la folle sarabande commence. Dans une sorte d'apocalypse qui prend le décor d'un invraisemblable Jurassic Park, la chasse au tigre dégénère totalement et les morts les plus spectaculaires se succèdent. On sent la jubilation de l'écrivain satiriste derrière ce jeu de massacre, une envie d'en découdre avec la société italienne du paraître et des paillettes, telle qu'elle existe depuis l'arrivée au pouvoir d'un certain Silvio B., jamais cité, mais dont l'ombre plane au-dessus de ce roman méphitique. Ammaniti en fait t-il trop ? On est en droit de le penser avec une dernière partie qui en remet une couche dans le délire façon film d'horreur. Entre Rabelais et Dario Argento, La fête du siècle nous a de toute façon emmené tellement loin que notre esprit cartésien a depuis longtemps rendu l'âme. A bien y repenser, ce roman exorciste, qui fait rire à chaudes larmes et frissonner de terreur, est une farce sociale qui pose de vraies questions sur une civilisation dont la déliquescence n'a rien à envier à celle l'Empire romain.