Si jeune et déjà enquiquinante...
Sur fond de fête de ce qui n'est pas encore le Second Empire (on est en 1850), Labiche introduit ici une audace exceptionnelle : faire jouer le rôle d'une fillette de 6-7 ans par une actrice du même âge. Le rôle n'est pas insignifiant, du fait que c'est cette fillette qui centralise les préoccupations de tous les adultes de la pièce. Il lui faut dire un texte substantiel, même si ses répliques sont assez brèves. Plus grave encore, aux yeux de la morale de l'époque : la fillette est témoin des projets amoureux des deux domestiques, elle s'habille et se maquille pour aller au bal, et va faire la fête avec de rudes militaires qui l'adorent, tout en buvant du kirsch...
On comprend que cette manière de dévergonder une innocente gamine pouvait faire froncer le sourcil à quelques critiques. Mais Labiche n'a cure de scandaliser le bon public. Il construit sa pièce comme une mécanique infernale. Les domestiques ont le projet (illicite) d'abandonner la fille pour aller faire les beaux au bal Mabille; ils s'habillent et se maquillent en conséquence (en piochant - illicitement - dans les produits de beauté de Madame la Baronne); et voilà que la gamine, Berthe, pas vraiment ensommeillée, agace les coupables avec son refus de dormir, fait pression sur eux en assistant à leurs écarts qu'elle pourrait relater à sa mère, prétend aller faire la fête elle aussi...
Les coups de théâtre font monter la tension jusqu'aux marges du drame, et on se gardera bien d'en dire plus; mais les acrobaties, la présence d'esprit et les mensonges des deux domestiques pour dissimuler leurs fautes se succèdent sur la scène à un rythme qui ne peut qu'entraîner un rire permanent, tout en conservant un esprit familial et bon enfant à l'intrigue.
Au fait, les danses à la mode de l'époque sont la polka et le scottish. Dansez maintenant !