Journaliste chez National Geographic et Le Monde Diplomatique, Guillaume Pitron jette ici un sacré pavé dans la mare du "capitalisme vert". La thèse du livre est simple : les énergies dites vertes ou renouvelables sont plus énergivores que jamais. On n'a donc toujours pas dépassé le problème de la finitudes des ressources naturelles, on l'a simplement déplacé et dissimulé, par le recours à un nouvel or noir.


S'agissant plus d'un rapport documenté que d'un essai sur le sujet, difficile d'en faire une critique, mais voici quelques unes des lignes les plus percutantes et synthétiques :



Avant même leur mise en service, un panneau solaire, une éolienne, une voiture électrique ou une lampe à basse consommation portent le pêché originel de leur déplorable bilan énergétique et environnemental. C'est bien le coût écologique de l'ensemble du cycle de vie des green tech qu'il nous faut mesurer.



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Les énergies dites "propres" nécessitent le recours à des minerais rares dont l'exploitation est tout sauf propre. C'est même un cauchemar environnemental où se côtoient - pour ne citer qu'eux - rejets de métaux lourds, pluies acides et eaux contaminés. [...] Ces mêmes énergies - que l'on appelle également "renouvelables", puisqu'elles captent des sources dont nous pouvons disposer à l'infini, se fondent sur l'exploitation de matières premières qui elles, ne sont pas renouvelables. [...] Ces énergies - encore qualifiées de "vertes" ou de "décarbonées" car elles nous permettent de nous désaccoutumer des énergies fossiles - reposent en réalité sur des activités génératrices de gaz à effet de serre.



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En réalité, nous nous comportons comme ces sociétés qui vantent à leurs actionaires un chiffre d'affaires faramineux tout en dissimulant une montagne de dettes dans une discrète filiale aux Caraïbes. Ces opérations "hors bilan" peuvent tourner à la manipulation comptable frauduleuse. De la même manière, nous nous glorifions de nos législations écologiques modernes, mais nous avons expédié nos rebuts électroniques dans des décharges toxiques ghanéennes, exporté nos déchets radioactifs au fin fond de la Sibérie et sous-traité l'exploitation de nos métaux rares un peu partout dans le monde. Bref, nous avons maquillé nos pertes sèches en bénéfices nets.



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Si le PIB mondial persiste à croître au rythme annuel de 3%, comme il l'a fait ces vingt dernières années, il va doubler entre aujourd'hui et 2041. Autrement dit, suivant cette logique, tout ce qui s'édifie, se consomme, se troquer et se jette à l'instant où vous lisez ces lignes va être, en gros, multiplié par deux en moins d'une génération. Il y aura deux fois plus de tours d'immeubles, d'échangeurs autoroutiers, de chaînes de restauration, de fermes des Mille Vaches, d'avions Airbus, de décharges électroniques, de centres de stockages de données... Il y aura le double de voitures, de frigidaires, d'objets connectés, de paratonnerres... Et il va donc falloir deux fois plus de métaux rares. [...] La conclusion d'ensemble est aberrante : pour satisfaire les besoins mondiaux d'ici à 2050, nous devrons extraire du sous-sol plus de métaux que l'humanité n'en a extrait depuis son origine, [...] [soit] davantage de minerais durant la prochaine génération qu'au cours des 70 000 dernières années, c'est-à-dire des 2 500 générations qui nous ont précédés.



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Nombreux sont ceux qui comparent notre époque à une "nouvelle Renaissance" : nous nous trouverions à l'aube d'un nouveau chapitre de l'histoire marqué par des inventions techniques et des opportunités d'exploration inédites. Mais comment atteindre ces nouveaux horizons si les ressources viennent à manquer ? Que se serait-il passé en 1492 si Christophe Colomb, faut de bois disponible, n'avait pas trouvé ses deux caravelles, La Pinta et La Nina, amarrées à un port andalou ?



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Combien faut-il d'énergie pour produire de l'énergie ? La question, farfelue pour la plupart d'entre nous, est essentielle aux yeux des énergéticiens. Il y a un siècle, il fallait en moyenne un baril de pétrole pour en extraire cent ; aujourd'hui, le même baril n'en produit, dans certaines zones de forage, que 35.



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En relocalisant les mines en France et en Occident, nous prendrions immédiatement conscience, effarés, de ce qu'il en coûte réellement de nous proclamer modernes, connectés et écolos. On peut imaginer que le voisinage des carrières nous sortirait pour de bon de nos indifférence et de notre déni, et encouragerait des initiatives pour contenir la pollution occasionnée. Ne supportant pas l'idée de vivre comme des Chinois, nous décuplerions la pression sur nos gouvernements pour qu'ils interdisent à toutes les minières de rejeter un seul gramme de cyanure dans la nature, boycotterions les industriels qui ne respectent pas une ribambelle de labels verts, manifesterions en masse contre la scandaleuse obsolescence programmée de leurs produits. Peut-être abandonnerions-nous aussi le sacro-saint dogme du pouvoir d'achat et accepterions-nous de dépenser quelques dizaines d'euros supplémentaires pour des téléphones un peu plus propres... En d'autres mots, notre empressement à circonscrire la pollution serait tel que nos progrès environnementaux seraient fulgurants.


Wlade
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le 21 avr. 2018

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