un cerveau non adapté à un monde complexe et il faut faire avec.

J'aime beaucoup Peggy Sastre. Je ne suis pas un fan (le mot venant de fanum, temple, c'est une notion qui me déplaît beaucoup). Il y a des idées qu'elle défend qui ne me plaisent pas beaucoup (autour de la pornographie ou de la prostitution, il y a un discours qui mériterait d'être débattu dans l'environnement complexe qu'est le nôtre.) mais elle est claire dans son discours. Elle défend une certaine idée libérale de la vie en société (pas la vision militante des opposants) basée sur le libre arbitre et une défiance vis à vis d'un étatisme invasif subissant forcément les influences.)


ça c'est pour la vision politique. Mais j'aime bien aussi la manière dont elle articule, la manière dont elle génère sa pensée. Peggy Sastre use de de la psychologie évolutionnaire, l'évopsy. Matérialiste, elle n'est pas (comme le dit si bien Frans de Waal) matérialiste jusqu'au cou et créationniste au dessus. Elle considère (et je suis d'accord) que notre psychologie n'est pas hors des particules et que nous partageons avec nos cousins grands singes des traits importants qui nous permettent de mieux nous comprendre (phylogénèse)


D'ailleurs, en introduction, en forme de préambule, elle différencie bien les causes distales et proximales. Les causes distales étant celles qui dépendent de notre évolution et qui mettent en oeuvre des mécanismes aussi importants que la sélection pour la survie ou la sélections sexuelle (deux mécanismes importants de la sélection naturelle). Il est d'ailleurs intéressant que des auteurs importants comme Wilson ne sont que peu traduits en France. Certains auteurs ne le sont pas du tout comme Trivers ou Hamilton. Ce qui en dit long sur notre connaissance et la façon dont nous considérons en France des pans importants de la recherche.


Elle aurait pu ajouter, mais je le fais, que les statistiques (parce que parfois ça fait mal) ne sont en rien prédictifs au niveau individuel. Ceci dit, je peux maintenant parler du livre.


Le postulat de départ, c'est que nous vivons dans une société qui n'a jamais été aussi riche (collectivement et même individuellement) aussi sûre, aussi confortable avec une espérance aussi importante et pourtant, les sociétés sont toujours aussi conflictuelles. Pourquoi?


La raison est simple (et c'est quelque chose que je ne cesse de dire) c'est que nous (homo sapiens) sommes les mêmes qu'il y a 40 000 ans, lorsque nous sommes sortis de l'Afrique. Nous sommes les mêmes qu'il y a 300 000 ans (date à laquelle nous faisons commencer l'espèce Sapiens) et donc que notre cognition est la même avec ce que nous pourrions appeler des archaïsmes mais qui ont été des mécanismes cognitifs qui nous ont permis de survivre dans notre environnement. Et notre époque moderne n'est qu'un trait fin sur la ligne du temps de notre espèce. Nous vivons donc une sorte de complexité confortable à laquelle notre cognition n'est pas adaptée.
Rappelons que l'évolution n'est pas constante mais qu'elle est, aujourd'hui, le mieux modélisé par le équilibres ponctués (périodes de latence suivies par de brusques moments évolutifs quand l'environnement change de façon plus ou moins radicale)


Le livre est divisé en 3 parties.


Conflits de génération (qui concerne entre autres la façon dont les individus dès leur état foetal sont en compétition avec leur génitrice, qui concerne les conflits entre les beaux-parents et les enfants...)
Guerres des sexes (qui concerne l'asymétrie de stratégie en terme de reproduction entre les mâles et les femelles) Rappelons même à ceux qui ne sont pas d'accord, que parce que nous sommes une partie de l'arbre phylogénétique, nous sommes avant toute chose des machines géniques)
Partis pris (qui concerne la manière dont nous menons la politique et la manière dont nous sommes guidés malgré nous à "choisir un camp"


Alors, pas de recette miracle. La conclusion est dans le sous-titre: il faut comprendre sa nature afin de pouvoir avoir conscience de nos biais et nos tendances qui se forment malgré nous. Cela pose bien sûr la question du libre-arbitre.


Et l'on peut conclure sur une vieille chose qui se trouvait au frontispice du temple de Delphes reprise par Socrate: "Connais-toi toi-même".


Et pour ce faire, commencer par ce livre de Peggy Sastre (aux multiples notes) peut être un bon point de départ à cette époque de réseaux digitaux où nous sommes enjoins à choisir un camp en niant la complexité des débats et le nécessaire débat d'idées.

LilianSG
9
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le 22 mai 2020

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LilianSG

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