Fatality
Comme l'indique la dédicace badass ("A mon frère Bernard/ qui connaît la bagarre"), Pierre Jourde n'a peur de rien. Loin de la critique aseptisée à la Busnel ou, à contrario, stupidement agressive...
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le 20 févr. 2016
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Pierre Jourde remet à leur place ces encensés médiatiques de la littérature (les Christine Angot, Beigbedder, Camille Laurens, etc.) : entre ce qui est prétendu dans la critique élogieuse et le résultat à la lecture, il y a parfois beaucoup à ramer. Parce que la critique journalistique actuelle tient surtout sur du sociologique, sur du politique, donc directement alimenté par la bien-pensance et non d'abord sur la qualité littéraire et stylistique. Ce qui donne des guerres claniques jamais pertinentes.
Après une introduction sur le Monde des Livres, tenu alors par Sollers, monde bien fermé et bien entre-soi où la ligne éditoriale dégouline parmi les éloges complaisants et les blâmes sans engagements, Pierre Jourde entreprend de prendre une à une les figures contemporaines qui ont leur assises dans les médias, et décident d'aller fouiller dans leur textes. Ce qui lui vaudra une sale réputation dans ce même milieu : on l'a insulté de la façon la plus vulgaire, le traitant entre autres de "pd envieux". La guerre était déclarée, et les conséquences (directes comme indirectes) ont été assez fortes (voir son blog Confiture de culture).
C'est donc avec son allure pamphlétaire, pas toujours bien ajustéé, qu'il entend démontrer, et démonter, que si style il y a, on est loin des "chef d'oeuvres !" et des "incontournables" et des prix décernés que désignent les bandeaux publicitaires sur leurs couvertures. C'est très drôle, c'est piquant, et le constat d'écriture remplie de vacuité est consternant.
Pierre Jourde explique cela en nommant trois modes de posture : "l'écriture rouge", qui prétend que dès qu'on parle sale, dégueulasse, on parle vrai, parce que le réel est sale, dégueulasse (en gros), "l'écriture blanche" qui affecte le détachement, le semblant de naturel, et enfin "l'écriture écrue", toujours dans le faux-semblant d'authenticité, qui se pose et s'expose dans la modestie du petit quotidien. Sa critique première s'adresse bien à la posture, c'est-à-dire, cette prétention de l'authenticité alors que le manque de vérité, de sincérité est criant. Pour lui, cela résulte souvent à un défaut de travail, d'effort (qu'exige la littérature) ou seulement de talent.
Il est révoltant en effet d'avoir en première ligne des éditions ces postures alors que certains autres auteurs, autrement plus authentiques (car toute la littérature contemporaine n'est pas à jeter EVIDEMMENT) sont ou bien tus, ou bien complètement inconnus ou pire, laissés inconnus. Il faut du buzz, des sujets clinquants, fondé sur un truchement littéraire, ou plutôt une théorie mal appliquée : la littérature doit parler au lecteur, moi l'auteur je m'efface, je suis comme toi lecteur, et cela laisse des récits qui rabaissent leur style (quel mépris véritable c'est !), qui n'élève aucunement le lecteur, ne lui donne aucune matière à sa propre faim spirituelle.
La dernière partie est consacrée aux "écrivains". C'est-à-dire, ceux (entre autres seulement cités) qui mériteraient un peu plus d'attention. Pierre Jourde ne dit pas que c'est "mieux", mais en s'intéressant, comme aux autres, à leurs écritures, il démontre qu'elles sont d'une toute autre étoffe, que ça n'est pas des déguisements d'écrivains, mais un vrai travail avec la réalité, qui vaut non seulement en tant qu'idée, mais aussi en tant que style ! Et il faut les citer : Novarina, Chevillard, Jean-Pierre Richard.
Finalement, ce n'est pas seulement une critique acerbe de ces auteurs engoncés dans leur succès sans réel mérite, mais aussi, et surtout -à mon avis, une leçon de littérature et de lecture. Jourde ne tombe pas dans l'attaque gratuite, il ne verse pas dans l'insulte de l'auteur, il reste attaché à regarder le texte, rien que le texte.
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Créée
le 18 févr. 2019
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