« La maison, justement. Il faut que j'en parle. Oui, c'est important, tout de même. C'est là que tout s'est noué puis dénoué. » page 15

Et l'on critiquera longtemps Amélie Nothomb pour sa régularité éditoriale, mais l'on oublie que bien d'autres auteurs publient un livre par an aussi. C'est le cas de Philippe Besson, dont les romans sont tour à tour magnifiques et décevants.

Mais quel cru, cette année ! Un texte fort, émouvant et beau où tensions et sentiments s'insinuent entre les pages pour vous atteindre au cœur.
Un tout jeune bachelier, au lieu de profiter du dernier été avant la dispersion géographique estudiantine pour « partir avec (ses) camarades dans des campings improbables ou des villas prêtées par des connaissances lointaines dont aucun d'(eux) n'avait jamais entendu parler », est contraint de passer un mois avec on père dans la maison atlantique. Dans, pas à, car ce point de départ annonce un huis clos entre les deux hommes, un père avocat d'affaire, peu aimant, peu compréhensif, trop absent, « trop occupé à jongler avec les millions et les décalages horaires », pour qui gagner est plus qu'une nécessité une passion ; un fils entre l'enfance et l'âge adulte, entre la vie et la nostalgie.
La maison atlantique, c'est la maison de vacances familiale, celle-là même où la mère est morte trois années plus tôt. L'occasion pour l'auteur de faire jouer une fois de plus à la mer un rôle important.

« Mon petit-déjeuner, je le prenais seul. En guise de retrouvailles, je n'avais droit qu'à un partage d'espace. Nous occupions un même lieu, lui et moi, mais nous menions deux existences séparées. » page 25

Lorsqu'un couple de voisins entre en scène et que le père, qui ne supporte pas de perdre, se met en tête de séduire la jeune mariée, la machine infernale s'accélère et l'affrontement entre les deux hommes gagne en intensité. La nostalgie, les regrets, le ressenti, la haine refont surface, si tant est qu'ils aient été un jour enfouis, et la catastrophe approche à grand pas.

Dans ce « théâtre d'ombres et de fantômes », raconté par le fils, les phrases de Philippe Besson sont comme d'habitude courtes et fortes. La poésie mélancolique et le rythme de son phrasé emportent le lecteur dans un texte d'une intensité propre à l'auteur, à laquelle je n'aurais qu'un reproche à faire : un usage légèrement hystérique de la virgule. Comme dans Un homme accidentel ou Se résoudre aux adieux (ses deux meilleurs livres, selon moi, auxquels il convient désormais d'ajouter La maison atlantique), Philippe Besson fait preuve d'une verve sans pareille et d'une jolie musique lorsqu'il parle des gens : « on aurait dit qu'il avait poussé d'un coup, sans doute vers l'âge de seize ans, et que cette surprise lui était restée, l'avait ancré pour longtemps dans la timidité et la douceur » (page 45) et vous propose peut-être un des meilleurs romans de la rentrée de janvier.


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le 25 janv. 2014

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