La littérature contemporaine française m'ennuie et ce livre ne déroge pas à la règle.
Il en a même tous les attributs : refus de la description, refus de la fiction et d'une véritable histoire, un narrateur-écrivain qui se confond dans tous ses personnages. Un livre qui ressemble à un synopsis en somme. Un synopsis de film choral français. Les personnages flottent dans le blanc des pages, seules les pensées et les actions sont décrites, le reste devant sans doute être complété par l'imagination du réalisateur quand il fera son story-board et ses repérages pour les décors. Quelques indications à des peintres parsèment le texte pour aider le chef opérateur à choisir ses filtres.
Le brouhaha qu'a entretenu artificiellement Torpenn en essayant de corrompre les âmes faibles et égarées en leur promettant monts et merveilles, n'a pas arrangé les choses.
Comme c'est un premier roman, évidemment, on est toujours plus gentil, on le sait bien que c'est pas facile d'être édité, et d'écrire tout court. Les précédentes critiques m'ont rappelée le comportement des gens qui accourent au chevet d'une jeune accouchée et qui s'ébaubissent devant la beauté du nourrisson, jurant de n'avoir jamais vu d'aussi beau et mignon, alors qu'une fois sortis de la maternité ils ne peuvent s'empêcher de critiquer les yeux globuleux du gamin ou de se moquer du prénom ridicule qui lui a été attribué. Pour moi, ce livre est un comme un enfant prématuré, il lui manque de la chair, de la densité, quelque chose de plus pour qu'il soit viable sans l'aide d'un attirail médical lourd.
Pendant la première partie, j'ai eu l'impression de me retrouver dans une soirée à laquelle je me serais incrustée avec une foule de gens inconnus qui viendraient me raconter leurs problèmes sentimentaux et leurs misérables petites vies en étant trop près de moi avec une haleine alcoolisée.
Commencer un roman avec quelqu'un qui s'appelle Roman, c'est un procédé un peu trop simpliste à mon goût. Et puis, le langage parlé et fonctionnel de la vie de tous les jours, à cause des nombreux dialogues, c'est pas très beau à lire. Les personnages se croisent, se rencontrent, certains disparaissent sans aucune explication. Ils n'ont qu'un prénom, au lecteur de comprendre les liens qui les unissent. De plus, quelque chose qui m'a toujours gênée, c'est cette manière de citer des marques, j'imagine toujours que dans cinquante ans, pour comprendre tous ces romans, il faudra un apparat critique digne d'une édition de Montaigne, tout ça pour expliquer ce qu'était le Sopalin.
La deuxième partie se tient un peu plus, le texte devient plus dense, y a moins d'hypallages, mais alors que cela aurait dû être le climax émotionnel, il ne se passe toujours rien. Les personnages n'évoluent pas et restent engoncés dans leurs déterminismes. On a l'impression d'assister à un repas de famille où l'on aurait été invité par hasard et où on ne capterait que des bribes éparses de la conversation.
Et tout cela finit par une pirouette expéditive parce qu'il faut bien finir d'une manière ou d'une autre et qui laisse le lecteur sur sa faim/fin.
Mais lisez-le quand même, c'est toujours mieux que la plupart de la littérature contemporaine actuelle (enfin, selon les échantillons qui me sont passés devant les yeux).
Et puis, si ça se trouve, le problème ne vient pas du livre, mais de moi, qui me suis trompée d'époque historique pour vivre. J'aurais été très bien à la fin du XIXème à l'apogée du roman naturaliste.