Avertissement : je n'aime pas la Suze.
Contrairement à un certain bougon de ma connaissance, je n'ai en revanche rien contre le contemporain.
Aussi ai-je beaucoup aimé cette Maison Matchaiev, le fond comme la forme.
Entre dolence et nostalgie, Stanislas Wails réussit là où beaucoup échouent :
conter le quotidien avec simplicité, détachement, parfois drôlerie, sans sombrer dans l'ennui.
Rien ici d'extraordinaire, tranche de vie certes douloureuse mais finalement assez banale d'une famille moderne.
Rattachée à un passé pas si lointain pourtant, mais qui a pris racine et ses habitudes dans le Paris d'aujourd'hui, et qui voit le temps d'un héritage ressurgir les souvenirs d'enfance, la mémoire douloureuse.
Mais cela peut aussi parfois resserrer des liens que la vie trépidante parisienne a un peu effilochés.
Le seul reproche que je ferais pour ma part, volonté de l'auteur ou non d'ailleurs, est un rythme un peu chaotique par moments.
Entre les évènements porteurs de sens et les passages très descriptifs, l'équilibre a parfois du mal à se faire, et on se trouve désarçonnés par la chute soudaine de rythme ou, au contraire, par l'arrivée impromptue d'une scène à fort potentiel émotionnel.
C'est vite oublié tant on a une réserve de sympathie à la fois pour l'auteur et ses bébés.
Les personnages feront presque immanquablement écho, on connaît tous un frère, une tante, un cousin comme ça.
À l'instar des films de Jaoui/Bacri ce qui frappe c'est cette facilité et ce naturel à rendre la normalité intéressante.
À instiller juste ce qu'il faut d'incongru pour retenir l'attention.
Attention toutefois, c'est notable tellement c'est rare, tout comme Torpenn je regrette beaucoup la disparition prématurée de Roman, qui augurait un fort potentiel cynique.
(à se demander d'ailleurs si ledit Torpenn ne l'a pas inspiré pour partie, mais je m'égare...)
Dévoré en 3 petites heures dans le train, c'est fort rafraîchissant.
Seul petit bémol là encore sur des phrases parfois un peu longuettes qui obligent à relire le début quand on a fini, mais je concède peut-être un léger manque de concentration de mon côté.
D'autant que cela contraste avec un ton du roman globalement amusé, désabusé, très en phase avec son époque pour le coup, un regard quelque peu détaché.
Ces quelques petits défauts de jeunesse mis à part, une oeuvre fort prometteuse pour un jeune auteur en devenir, ça ne fait aucun doute.
Je clos sur une anecdote amusante qui a surgi en toute fin de lecture (pas de spoil ici rassurez-vous) :
le livre a été achevé d'imprimer le 11 mai 2011 dans les imprimeries Jouve à Mayenne, où je travaille moi-même depuis début juin.
Et j'ai rencontré Stanislas à la mi-juin.
La coïncidence n'a pas manqué de me faire sourire.
Conclusion : le "buzz" SensCritique de la rentrée, et il n'est pas immérité !
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