La Sœur
7.5
La Sœur

livre de Sándor Márai ()

Ce roman constitue un petit bijou de finesse psychologique et nous plonge dans une réalité subtilement habitée par le mystère . Celui des âmes, confrontées à la souffrance et à l’impossibilité d’être soi, celui de l’art, qui demande une entière soumission à l’être qui le sert, celui de l’authenticité de l’amour. La maladie apparaît comme une abdication devant la vérité de l’être, le « mal » prenant la place laissée libre, une acceptation de toutes les compromissions de la vie ( vanité, désir de pouvoir, facilité du rapport à autrui, faux amour…)
Avec en arrière fond la Seconde Guerre mondiale omniprésente et pesante mais jamais vraiment nommée, le récit baigne dans une atmosphère nébuleuse, parfois onirique, où l’essentiel s’impose dans des huis clos étouffants. Celui d’un chalet bloqué par les intempéries au moment de Noël ou celui d’un hôpital , ou plutôt d’une seule chambre d’hôpital, où se joue le combat pour l’existence d’un artiste. Il essaie de comprendre sa maladie pour accepter de la vivre ou choisir la mort, qui passe sûrement par la soumission à la morphine qu’on doit lui administrer à forte dose.
Toutes les nuances les plus subtiles du rapport d’un grand pianiste aux différents stades de sa maladie nous sont racontées. Mais ce n’est pas « La montagne magique », on ne trouve pas chez Sandor Marai la vie sociale d’un sanatorium qui finalement fait aimer la maladie ou en tous cas lui donne un sens ; l’homme est seul face à lui-même et le spirituel ici n’est jamais loin ; la grande force du livre étant de le faire vivre en intimité avec le réel. Parfois, les situations les plus simples, une piqûre, la visite d’un médecin ou d’une infirmière, prennent une dimension « extra- ordinaires » qui rendent ce livre envoûtant.
On le referme comme anesthésié d’avoir suivi une âme dans ses méandres les plus profonds. Il n’y a pas de doute, « La sœur » ne sera pas le seul roman de Sandor Marai que je lirai !

jaklin
8
Écrit par

Créée

le 14 sept. 2019

Critique lue 382 fois

12 j'aime

7 commentaires

jaklin

Écrit par

Critique lue 382 fois

12
7

D'autres avis sur La Sœur

La Sœur
Francis-San-Marco
9

Le récit par la personnification

Après avoir lu ce livre, j'ai longtemps réfléchi à la meilleure manière d'en parler car les thèmes abordés y sont autant concrets qu'abstraits. Dit comme ça, c'est pas très clair mais vous allez vite...

le 19 oct. 2017

6 j'aime

1

La Sœur
Oskar_
6

Critique de La Sœur par Oskar_

Sur fond de guerre mondiale, le destin d’un seul individu se détache de la réalité environnante. Dans ce milieu médical, où tout appelle à la guérison, Z. lutte contre la douleur qui l’assaille. On...

le 16 févr. 2014

1 j'aime

Du même critique

L'Étranger
jaklin
8

L’ athéisme triste ou le triste athéisme

Après l’approche assez originale de Daoud, il est temps de revenir sur un devenu classique hors- norme : L’ Étranger de Camus. Tant il est me semble t’il aimé pour de mauvaises raisons : une langue...

le 22 août 2018

56 j'aime

91

Douze Hommes en colère
jaklin
9

La puissance du Bien

« 12 hommes en colère » est l’un des films que j’ai le plus vus, avec fascination, avec émotion. C’est un huis-clos étouffant donnant pourtant à l’espace réduit une grandeur étonnante – et le...

le 17 févr. 2019

53 j'aime

34

Les Français malades de leurs mots
jaklin
7

La langue chargée

Etudiant l’abâtardissement de la langue française , Loïc Madec met à nu une France « ahurie et poltronne ». De la culture populaire au jargon des élites, la langue révèle le profond affaiblissement...

le 26 juil. 2019

49 j'aime

125