Roman court dans lequel Reinhardt invoque la magie de la littérature pour tenter de faire comprendre au lecteur deux phénomènes: 1) la création littéraire et 2) l'amour et le désir physique d'un homme pour une inconnue atteinte d'un cancer foudroyant.
Les développements sur le processus d'écriture sont beaux, riches, nouveaux, amusants (le passage sur la conférence littéraire), personnels, touchants, intéressants. Reinhardt parvient à nous faire comprendre son rapport à l'écriture: pourquoi il écrit, les difficultés qu'il rencontre, son ambition de romancier et la relation qu'il souhaite établir avec le lecteur, comment son vécu nourrit son oeuvre, comment ses oeuvres vivent après qu'il les a terminées et comment certaines ont changé sa vie. Cette partie est réussie. La structure même du roman participe à cette réflexion (le roman n'est finalement qu'une étude des notes qu'il avait prises pour préparer un autre roman qu'il n'écrira pas). Cette ambition justifie à elle seule la lecture de ce livre selon moi.
Ainsi l'auteur nous explique que son ambition quand il écrit un roman est avant tout de faire comprendre et accepter au lecteur une situation qui n'est a priori pas évidente pour ce lecteur. Lui faire comprendre et accepter la complexité de la vie en construisant un roman où se mêlent politique, économie, sexualité, psychanalyse et poésie.Or la situation qu'il choisit de faire ressentir et accepter dans ce roman "la chambre des époux" est l'amour d'un homme pour une femme inconnue et malade et cela ne fonctionne pas avec moi.
En effet, l'auteur utilise toute sa technique et toute son ambition de romancier pour expliquer la relation entre un homme qui est bouleversé et séduit par une femme dont il fait la connaissance alors qu'elle est atteinte d'un cancer en phase terminale. Il est tellement bouleversé par cette femme qu'il décide de quitter son épouse et ses enfants pour accompagner sa nouvelle amies dans les deux derniers mois de sa vie. La maladie au quotidien est décrit par le menu. Le désir sexuel du protagoniste pour la malade est également mis très en avant. Evidemment, Reinhardt a des arguments pour justifier cette passion qui ne sort pas de nulle part mais l'exercice m'a paru plat, un peu raté, on voyait tellement les coutures que cela paraissait trop artificiel. Cela n'a pas suscité d'empathie chez moi, juste du malaise comme à la lecture des romans de Reinhardt en général qui semblent tous traiter (et de plus en plus) d'une sexualité morbide, complexe, intellectualisée. Dans cet opus, cela prend trop de place. Le pari de faire justifier ce désir extrême me paraît raté et affaiblit considérablement le roman.