La première chose que j'ai envie de dire à propos de Laurent Alexandre c'est qu'il est très quotable : il a le sens et le goût de la formule. Un goût prononcé et parfois immodéré. Il est éloquent et passionné alors on lui pardonne volontiers quand il devient grandiloquent. Le style c'est important, et à ce niveau on peut dire que l'essai est réussi. L'écriture est moderne, les phrases sont courtes, les retours à la ligne fréquents. Ce livre m'a un peu donné l'impression d'une improvisation enthousiaste plutôt que d'une construction méthodique. Enfin il y a quand même quatre parties bien distinctes qui permettent de passer progressivement du scientifique et technique au politique et philosophique.
L’Histoire nous prouve que l’Homme ne résiste jamais au désir
d’utiliser les nouvelles technologies et qu’il ne peut pas «
désapprendre » un savoir.
C'est là qu'on se rend compte que l'auteur est assez sûr de lui et de ses prédictions, fort nombreuses. Selon lui le transhumanisme est dans le sens de l'histoire. Ça a déjà commencé et ça va continuer, c'est "inéluctable" et ce, malgré les risques et les dérives, largement abordées. Au final je me suis même demandé si Laurent Alexandre était si transhumaniste que cela. Probablement pas beaucoup plus que tout un chacun. Par contre je l'ai trouvé assez libéral avec notamment une critique bien sentie des institutions médicales et politiques, mais aussi de ceux qui réclament toujours plus : nous. Ce "plus" on le retrouve dans le symbole des transhumanistes : h+, celui d'une humanité augmentée, ou en tout cas rallongée et facilitée. Signe des temps hypermodernes d'une "ration de technologie supplémentaire" qu'on exigera afin d'obtenir un "supplément de vie". Pas un supplément d'âme mais un simple supplément de corps, c'est toujours ça de pris.
La souffrance ne s’embarrasse pas de morale.
Au final je n'ai pas boudé mon plaisir malgré les dix ans d'âge et les 425 pages de cet essai. Celui-ci a beau être bavard, inégal et répétitif, son auteur nous emporte avec son enthousiasme et ses convictions. Je le recommande à tous ceux qui s'intéressent au transhumanisme ainsi qu'à tous les citoyens éclairés qui veulent comprendre ce nouveau paradigme qu'est la biopolitique.
Laurent Alexandre, La mort de la mort, JC Lattès, Avril 2011, 425p.