« La tactique katangaise » est le second livre de Nicolas Marchal. Cet auteur belge, qui est également professeur de français. Son premier roman, "Les conquêtes véritables", avait été gratifié du Prix Première. Avec la "Tactique", il nous offre un roman que l'on pourrait qualifier d' « étrange », de par son histoire, ses personnages et sa narration...Mais que peut-on vraiment en dire... ?

«Ça pose vachement son homme, cette histoire d'agent secret en Afrique. Si ça n'impressionne pas Cynthia, je ne comprends plus rien aux filles. » (p.11)
Telle est la réaction de Stan lorsqu'il apprend le passé aventurier de son grand-père, aujourd'hui décédé.
Cynthia, c'est une fille de sa classe, la plus belle fille de sa classe, et sa future femme – même si elle ne le sait pas encore. Et ce secret que sa grand-mère vient de lui avouer, c'est sa chance d'attirer l'attention de sa belle...Mais pour être convainquant, il a besoin de plus d'informations ; des informations sur son grand-père, sur le Congo...

L'originalité de « La tactique katangaise » repose en partie dans sa narration. En effet, plusieurs personnages se la partage ; chacun raconte ce qui lui arrive, ce qu'il pense, et ce dans un style qui lui est propre : Stan se fait des notes à lui-même, la grand-mère s'adresse à son défunt mari, l'auteur inconnu d'un livre oublié s'adresse directement au lecteur...Cette façon de faire permet de cerner assez facilement la personnalité de chacun d'eux ; ce qui nous mène à une autre caractéristique majeur du livre : des personnages pour le moins antipathiques !
Faisons un rapide tour d'horizon : un adolescent insouciant, voire inconscient, naïf mais persuadé de son importance et du bien fondé de ses actions ; un professeur d'histoire adepte de la théorie du complot et loin d'être gentil avec ses élèves («Il faut leur entrer dedans. Pas leur laisser le temps d'intervenir. Journal de classe, direct, sans sommation, dix pages, deux heures, n'importe quoi mais leur montrer qui est le maître » (p. 23)) ; une grand-mère soit menteuse, soit légèrement sénile...à moins qu'il ne s'agisse d'un astucieux mélange des deux ; un auteur tout simplement méchant avec tous les êtres vivants qu'il rencontre, et même plus...
Et il ne s'agit là que des narrateurs ! Les personnages secondaires n'arrangent rien à l'affaire : des infirmières qui n'ont que peu de respect pour leurs patients, une Cynthia manipulatrice et outrageusement provocatrice, un Jean-Jacques dont on n'entend que peu parler mais qui a tout l'air d'un « mec parfait et imbu de lui-même qu'on adore détester ».
Mais paradoxalement, c'est tous ces défauts qui les rendent « sympathiques ». En effet, cela les rends « réels » ; on a l'impression qu'on pourrait les rencontrer, un jour, au coin de la rue...Ils sont humains et imparfaits, et nous renvoient donc à notre propre côté humain et imparfait, ce qui fait qu'on se met à leur place, qu'on comprends leur façon de réagir (sans forcément l'approuver) et qu'on peut même finir par se retrouver dans certains d'entre eux.

Outre ces personnages pour le moins...intéressants, ce livre met aussi en scène...un livre ! Car, oui, « La tactique katangaise » est également un « livre dans le livre » ! C'est un autre des points forts de ce récit : il permet au lecteur de lire « deux livres en un ». D'un côté, « La tactique katangaise » en tant que livre réel, écrit par Nicolas Marchal ; de l'autre, « La tactique katangaise en tant que livre fictif, adoré par le prof' d'histoire et détesté par son propre auteur.
Ce livre fictif, dont on ne sait rien au départ, intrigue le lecteur et ce sont les personnages qui, en racontant leur propre histoire, lui permettent de comprendre, de reconstituer les pièces du puzzle pour comprendre qui, où, quand, pourquoi et comment...

En bref, ce livre se démarque par l'originalité de sa narration et de son sujet. Il a également le mérite d'offrir un large choix d'intrigues, ce qui fait qu'un lecteur pourra en apprécier une partie mais pas une autre : on peut s'intéresser à l'histoire de la grand-mère mais pas du tout à celle de Stan ; ou à celle du livre mais pas celle du professeur...Chacun pourra donc s'y retrouver, au moins partiellement.

Références :
MARCHAL, Nicolas. La tactique katangaise. Bruxelles : Editions La muette et Le Bord de l'eau, 2011. 234p.
Floche
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le 22 avr. 2012

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Floche

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