Un passionnant roman aux multiples facettes

En 1878 à Londres, le grand tragédien Henry Irving reprend le Lyceum Theatre, alors en piteux état. Il en confie l’administration à celui qui deviendra son bras droit, Bram Stoker, futur auteur de Dracula, et engage dans sa troupe la plus célèbre actrice anglaise de l’époque, Ellen Terry. Le trio, bientôt inséparable, s’acharne à redresser l’établissement et s’achemine peu à peu vers une réussite suffisamment retentissante pour s’exporter outre-atlantique. Bram Stoker désespère toutefois de rencontrer un jour le succès littéraire…


Loin de la biographie linéaire, ce récit foisonnant ressuscite ses personnages historiques avec le plus grand naturel, recréant la chair et l’émotion autour du squelette des faits réels, dans une évocation d’autant plus crédible qu’elle nous baigne en même temps dans une magistrale restitution du Londres victorien. L’ambiance du roman est ainsi particulièrement prégnante, tant celle, brumeuse et polluée, de la capitale anglaise, pas tout à fait aussi scandalisée du procès d’Oscar Wilde que terrifiée par l’ombre de Jack l’Eventreur, que celle, effervescente et passionnée, d’un théâtre de la fin du XIXe siècle aux mains de personnalités explosives aux égos démesurés.


Au fur et à mesure du parcours des trois protagonistes principaux, entre doute et ambition, ombre et lumière, le texte prend une teinte de plus en plus mélancolique pour le lecteur témoin de leur ascension puis de leur vieillissement, et, globalement, du curieux cheminement qu’emprunte parfois la gloire, tantôt capricieuse, tantôt généreuse, souvent inaccessible et même ironiquement tardive, lorsque, posthume, elle vient couronner un homme finalement convaincu de son insignifiance et mort dans un hospice pour indigents.


Fresque historique, histoire d’amour et d’amitié, récit gothique et odyssée autour du mystère de la création, ce roman aux multiples facettes tient l’intérêt éveillé de bout en bout. Il réussit à émouvoir quant au dépassement de la finitude humaine par l’immortalité de l’oeuvre passée à la postérité.


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Cannetille
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le 18 déc. 2020

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