Cela commence par le journal intime d’un peintre malade et affaibli qui ne peut plus créer, mais qui peut toujours écrire. Il désigne son couple comme étant la cause de son malheur, individuel et artistique. Sa femme trouve le journal et y ajoute sa version « revue et corrigée » pour remettre les pendules à l’heure.
La forme
Soit mon souvenir des œuvres précédentes est déficient, soit Ben Jelloun m’a habituée à une écriture plus travaillée et structurée que celle-ci. Il y a des répétitions dans les idées, des phrases moins heureuses. À quelques reprises, je me suis demandé si j’avais entre les mains un produit réellement fini ou un texte avant édition, encore un peu brouillon.
La structure de la première partie est celle d’un journal classique entrecoupé de quelques digressions. Chaque entrée du journal est datée, et à la manière d’une séance de psychanalyse, l’homme raconte sa vie, bout par bout. Ce sont l’ensemble de ces bouts qui constituent son témoignage.
La structure de la seconde partie est plutôt thématique. La femme discute des sujets principaux abordés par son mari : l’argent, la famille, le sexe (entre autres). Elle revient sur certains événements décrits par son mari, discute aussi de moments décisifs qu’il a tenus sous silence.
Le fond
La première partie fait bien le trois-quarts du livre, Ben Jelloun a donc choisi délibérément de nous faire entendre la voix du mari plus que celle de la femme.
Il raconte sa version des événements, parle sans gêne de ses adultères et de ses torts, bien qu’il les minimise ou les justifie. En lisant sa version, on est à priori empathique à sa cause, mais on y décèle rapidement des non-dits. Il dépeint sa femme comme une écervelée, une émotive, et je ne peux pas dire que la seconde partie m’ait convaincue du contraire. Ses frustrations vont crescendo pour mener finalement à
une demande de divorce. Et là on se dit : Enfin. Puis on se rend compte : tout ça pour ça.
L’épilogue de la femme doit peut-être servir à rétablir la balance. Malheureusement, le ton est celui du reproche, ce qui est parfois agaçant, et la finale
(ou elle refuse le divorce et décide de lui devenir soumise, mais sans rien accepter de ce qu’il est…)
n’est pas des plus logiques.
L’homme désignait sa femme coupable de nuire à sa créativité, elle se désigne comme essentielle à cette dernière. Ne serait-il pas possible que, heureux ou non, il puisse peindre ? N’est-ce pas forcément dû à autre chose qu’à une relation amoureuse ? Qu’à elle plus précisément ? Après tout, il était déjà reconnu comme un artiste avant leur rencontre. Et cette femme, on en sait très peu sur elle. Ce qu’elle dévoile est toujours lié à lui, comme si elle n’avait pas de vie en dehors de lui.
En résumé, c’est plutôt chiant comme histoire. Une grosse déception.