«Le fils» de Philipp Meyer débute en 1850 dans les terres encore sauvages du Texas où mexicains, colons «anglos» et indiens se disputent les parts sèches d'un immense gâteau poussiéreux et hostile pour finir dans les états unis désabusés des années 2010.
Le livre retrace le parcours d'une famille à travers le regard de trois protagonistes: Elie patriarche cynique, capturé par les indiens dans sa jeunesse et fondateur du clan Mc Cullough; Peter son fils humaniste et romantique qui ne se reconnaît pas dans la philosophie guerrière et conquérante de son père; Et enfin Jeanne-Anne, arrière petite fille du Colonel Mc cullough et riche héritière de l'empire qui va développer son assise à l'internationale.
Cette fresque historique fournie et documentée dresse le portrait d'un Texas oublié qui s'est d'abord affirmé durement dans l'agriculture et l’élevage avant de devenir la figure de proue de l'exploitation pétrolière aux USA. Elle nous apprend également à mieux comprendre cette région, sa culture violente, raciste et protectionniste qui trouve pourtant des élans de poésie dans des relations simples et formatées entres êtres humains ou dans ses rapports ambivalents avec la nature mêlant connaissance, respect et désir de domination. C'est surtout par le biais de ce prisme texan que nous vivons l'histoire américaine dans son expansion, sa grande guerre civile et son âge d'or en constatant ce Texas si puissant et pourtant si détaché du reste du pays. En même temps fondamentalement inféodé à l'histoire de l'Amérique et pourtant très éloigné de la culture des littoraux.
Mais au-delà de ce roman épique, d'un aspect historique cohérent et plutôt bien amené, Philipp Meyer tente de délivrer un message.
Nous pouvons nous accorder à dire que la conquête de l'Amérique a été violente, injuste et indigne dans son ampleur, son projet et ses méthodes. La domination européenne sur le nouveau continent n'est plus un sujet controversé pour notre vieille France et nous avons à cœur de reconnaître ce terrible traitement que nous avons infligé – les espagnols et les anglais en majorité – aux amérindiens vivants depuis des millénaires dans une harmonie relative sur leurs terres ancestrales. Mais constatons la réflexion de l'un des protagonistes – qui apparaît à la toute fin du livre – dernier héritier non reconnu de la famille Mc Cullough car issu d'un métissage américano-mexicain lorsqu'il s'insurge contre l'injustice américaine subie par le Mexique:
« Les américains(...) Ils croyaient que personne n'avait le droit de leur prendre ce qu'eux mêmes avaient volé. Mais c'était pareil pour tout le monde: chacun s'estimait le propriétaire légitime de ce qu'il avait pris à d'autres.
Il ne valait pas mieux. Les mexicains avaient volé la terre des indiens, mais ça, il n'y pensait jamais: il ne pensait qu'aux Texans qui avaient volé la terre des mexicains. Et les indiens qui s'étaient fait voler leur terre par les mexicains l'avaient eux mêmes volée à d'autres indiens.»
C'est dans un certain manichéisme ambiant que l'auteur informe le lecteur de cet aspect intrinsèquement humain de la colonisation, du vol et de la conquête du pouvoir. Les mexicas ancien peuple Aztèque avaient dominé «le monde unique» en massacrant de nombreuses ethnies avant d'être à leur tour massacrés par les espagnols, ces derniers chassés et dominés par les anglais et les français. Les comanches eux même issus des shoshones étaient venus chasser les apaches des terres texanes avant d'être finalement partiellement exterminés et réduits en captivité par les texans.
Dans «Le fils», Philipp Meyer relate dans un style assez simple, une petite histoire américaine des hommes et du monde en 800 pages.