Le Fils
8.1
Le Fils

livre de Philipp Meyer (2013)

Je ne savais pas trop quoi lire après un livre d'horreur et un livre jeunesse et comme j'aime à varier mes lectures, il fallait bien passer à autre chose! Ayant un faible pour les bonnes sagas familiales, je me suis dit : allez hop, c'est parti ! Et entre Les Buddenbrook de Thomas Mann et Le Fils de Philipp Meyer, je pense avoir choisi la facilité. Au détriment de la qualité ?


Dès la 1ère page, en voyant la rivière du Styx mentionnée, je bénis ma lecture récente de Lune Froide sur Babylon du génial McDowell, qui m'a appris que le Styx était une rivière traversant l'Alabama et trouvant sa fin en Floride. Le genre de chose qui permet de planter le décor de façon assez efficace !


Rapidement, on est plongé dans différentes époques, et celle qui me marque le plus d'entrée, c'est bien sûr celle des années 1840 au Texas. Pourquoi ? Simplement parce que c'est l'époque de la rencontre entre Gus et Call, les deux rangers de Lonesome Dove, chers au cœur de nombreux lecteurs et lectrices. Alors une fois que cette pensée est apparue, une autre est venue rapidement : difficile d'atteindre le style d'un Larry McMurtry. Je pourrais enchaîner les "difficiles de" — difficile de peindre un personnage aussi bien en aussi peu de temps, difficile d’égaler cette manière d’entrelacer les dialogues et l’environnement — mais au final, à quoi bon, à part se gâcher potentiellement une lecture en cours ? Rentrer dans les jeux de comparaison c'est déjà arrêter de profiter.


Et pourtant, l’un des aspects qui m’a le plus frustré reste le manque d’immersion dans le récit. Le style de Meyer, même si plutôt maîtrisé, ne m’a jamais permis de me sentir pleinement plongé dans son univers. La structure du récit, alternant entre les trois personnages principaux — Eli, Peter et Jeanne-Anne —, contribue à cette difficulté. Chacun raconte son histoire, mais les liens entre eux sont quasi inexistant, renforçant un sentiment de déconnexion. Ce manque d’immersion est d’autant plus accentué par les faiblesses des personnages eux-mêmes : ils manquent de profondeur, de texture, et aucun personnage secondaire ne vient relever le niveau.


Certaines scènes ou dialogues auraient pu compenser cela, mais ils tombent souvent à plat, comme cet échange:


"Qu'est-ce que vous comptez faire ce soir?

- Descendre pas mal de monde, j'imagine.

- Pas terrible comme plan.

- C'est tout ce qu'on a"

[...]

Il y eut un silence.

"Comment faites-vous ?

- Je vise", dit-il.


Ce dialogue qui pourrait facilement trouver son public ne fait tout simplement pas mouche chez moi. Ça me fait penser à un mauvais film avec Stallone ou Statham, ou autre star du cinéma d'action hollywoodien 🫣


Il y a aussi le fait que les deux personnages qui discutent ne représentent pas grand-chose pour le lecteur, on n'a pas vraiment eu l'occasion de les connaître alors qu'on les voit depuis déjà de nombreuses pages, ce qui renforce ce sentiment de superficialité.


Sinon, les passages que j'ai préférés sont ceux d'Eli, le Colonel, parmi la communauté Comanche. Passages qui nous permettent de découvrir cette population parmi les plus connues des différents peuples indiens. Mais même là, il manquait un petit quelque chose dans le style pour que ça me marque davantage.


J'ai eu envie d'aimer ce livre et m'y suis accroché. Mais quand la mayo ne prend pas, ça ne sert à rien de continuer de fouetter ! Pourquoi ? Sans vouloir critiquer le style de l'auteur ou autre, c'est surtout que je n'ai jamais été plongé dans un monde, une atmosphère qui m'aurait laissé agripper. Pareil avec les personnages que j'ai tous trouvés fades et sans véritable texture. Il m’a simplement manqué ce supplément d’âme pour être captivé.


Cela dit, je ne veux surtout pas décourager qui que ce soit de lire ce livre, car il n'est pas dénué de qualités. Les passages sur la vie des Comanches sont vraiment passionnants, car on en apprend beaucoup sur leur mode de vie, leur culture, leurs coutumes. C'est aussi un livre très noir qui dépeint de tristes réalités : la destruction des terres, la surexploitation, le racisme et l'oppression coloniale. C'est un formidable cours d'histoire que l'on suit à travers ce livre qui nous montre l'évolution du Texas.


En conclusion, une lecture en demi-teinte, car ce n’était pas la lecture passionnante que j’espérais, avec une immersion dans le récit qui n’aura jamais eu lieu. Pourtant, ce n’est pas une lecture que je qualifierais de mauvaise, et si je n’y ai pas trouvé ce que je cherchais, je comprends pourquoi il a su séduire beaucoup de monde.


Ben-Hardo
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