Situé dans les années 1970 (ou peu après), ce petit roman, publié initialement en 1969 et récemment réédité, nous raconte le voyage en France d’un jeune gentilhomme allemand, Friedrich von Schmerlau, découvrant avec ahurissement un pays profondément différent de celui que nous connaissons. Les frontières ont été fermées, les étrangers renvoyés chez eux, l’uniforme est obligatoire pour tous, l’aristocratie est revenue au pouvoir, les Champs-Elysées sont transformés en caserne et la Sorbonne en prison (où ont été enfermés les agitateurs de 68), la SNCF est privatisée, les usines sont presque toutes détruites et l’industrialisation ramenée au minimum, le droit de posséder une voiture est soumis au cens et les cerfs-volants sont tous immatriculés, les grands musées sont fermés et les œuvre distribuées à des particuliers, le zoo de Vincennes est remplacé par un zoo humain présentant diverses ethnies, l’impôt est devenu dégressif et la sécurité sociale a été supprimée. Tout ça suite à la prise de pouvoir du Prince Régent, surnommé le Grand Mourzouk, fils d’un légionnaire et d’une touareg, métis providentiel qui mit fin à « la VIème République, cette lugubre période qui vit Paris aux mains des Arabes ».
Or, au court du séjour de Friedrich, le Régent est renversé par un chef de brigade nubienne d’infanterie décorative (sic !) qui réorganise la noblesse à la mode orientale, avec vizirs et califes. Mais comme le dit le marquis de Ferney-Brancart, hôte du héros et devenu pacha à la suite de ce coup d’Etat : « Le principal, dans l’existence, c’est d’avoir un titre. » Ce récit pince-sans-rire – dont on ne sait jamais trop s’il relève d’une franche dérision ou trahit certains fantasmes de l’auteur à l’égard de cette « dictature militaire adoucie par la mondanité » – exalte un régime fictif situé à mi-chemin des fastes princiers de la Mitteleuropa, des jardins du Trianon et de l’utopie polpotienne. On émerge de ce roman comme d’un rêve qu’aurait pu faire Henry de Lesquen…