Howard Philip Lovecraft est à mes yeux un des plus grands auteurs de tout les temps, peut-être le plus grand. Mais le personnage et son œuvre sont particulièrement difficiles à appréhender. En effet au fil du temps les créations du Maitre de Providence (souvent injustement appelé le Reclus de Providence) on fini par dépasser l’homme en lui-même. A travers ce court ouvrage, Christophe Thill, unanimement reconnu comme un des spécialistes français de l’auteur, cherche à rétablir la réalité sur la vraie personnalité de Lovecraft mais aussi sur son œuvre. Le titre de Guide Lovecraft est parfaitement adapté à cet essai, car c’est bien de cela qu’il s’agit : un guide pour comprendre à la fois l’auteur et son œuvre.
Premier bon point, le guide prend le temps de présenter comment trouver les différents textes de l’auteur en français. Nous pouvons toutefois regretter que cette présentation soit aussi brève et se limite principalement aux publications de Mémnos et Bragelonne/Sans-Détour (alors que personnellement j’ai découvert l’auteur grâce à la collection J’ai lu, dont je reconnais volontiers les défauts). Cette partie est particulièrement courte, plus encore que l’introduction. La partie suivante présente une rapide biographie de Lovecraft. Rapide mais complète, et surtout accompagné d’un paragraphe sur la réception de ces œuvres après son décès, notamment via la fondation de la maison d’édition Arkham House. La troisième partie a le mérite de questionner l’image traditionnellement diffusée de Lovecraft et de questionner les clichés sur sa personnalité. Misanthropie, dépression, racisme, touts les aspects du caractère de Lovecraft sont passés au crible. Nous pouvons apprécier que Thill évite la déconstruction systématique. Plutôt que de nier l’intégralité du portrait traditionnel de Lovecraft, il questionne un à un tout ses aspects, cherchant à trier le vrai du faux. L’ouvrage dresse ensuite un portrait général de l’œuvre du Maître de Providence en en mettant bien en avant toutes les facettes (les nouvelles certes, mais aussi la poésie, les essaies et la correspondance). Cette partie se lie directement à la suivante, qui présente vingt « nouvelles » (la présence de L’affaire Charles Dexter Ward dans cette liste peut questionner le terme) de Lovecraft censée être les plus représentatives. L’auteur a parfaitement conscience des limites d’une telle sélection, et ajoute pour chaque texte présenté, une sélection d’autres abordant des thèmes ou une structure similaires. Il est juste à regretter que le livre révèle (même partiellement) la fin de certaines nouvelles (je pense notamment à Je suis d’ailleurs et Le cauchemar d’Insmouth). Viennent ensuite dix autres textes divers de Lovecraft, qu’il s’agisse de révisions, d’essai ou même de simples notes. Ces informations ont le mérite d’élargir notre vision de l’auteur, même si l’importance accordées aux révisions trompe un peu l’intention de base de montrer la diversité de son travail littéraire. Les deux parties suivantes sont peut-être les plus intéressantes de l’ouvrage car elles tendent à dresser un portrait général du style et des thèmes de Lovercraft. Encore une fois on retrouve cette volonté de casser les clichés, même si dans ce cas, ceux choisi semblent l’avoir été très arbitrairement. Ainsi je ne sais pas vraiment qui associe immédiatement Lovecraft à l’évanouissement du personnage principal. Pour le reste, Laurent Thill donne un bon portrait de l’œuvre du Maître de Providence. Les deux parties suivantes s’intéressent à l’évolution de l’œuvre de Lovecraft en dehors de ces écrits. Premièrement par les auteurs d’influence lovecraftienne (en distinguant ceux qui ont correspondu avec l’auteur des autres) et deuxièmement par l’influence de l’œuvre de Lovecraft dans d’autres médias (cinéma, musique, jeux vidéos, jeux de rôles…). Enfin l’ouvrage se termine, avant la courte conclusion, par un petit « lexique lovecraftien » donnant la définition de certains termes censés être symptomatiques de l’œuvre de l’auteur. L’intention est louable mais le choix des mots en question pose question, notamment lorsque les mots n’apparaisse que dans une unique nouvelle.
Que penser donc de cet ouvrage. Et bien que le titre est admirablement choisi. C’est bien de cela qu’il s’agit : un guide. Pour faire simple cet ouvrage permet de mieux comprendre cet étonnant individu, son œuvre et le lien entre les deux. Alors à qui s’adresse précisément ce guide ? Les néophytes souhaitant découvrir Lovecraft ? Les amateurs souhaitant approfondir leurs connaissances ? La question selon moi n’est pas de savoir à qui s’adresse l’ouvrage mais ce que l’on recherche. Ici vous ne trouverez point de biographie exhaustive, ni d’analyse psychologique profonde, ni de catalogue détaillé des œuvres de Lovecraft. Ne nions pas l’apport que peut représenter cet ouvrage, même pour les lecteurs assidus. Christophe Thill a le mérite de s’intéresser à touts les aspects du travail de Lovecraft. Ainsi qui sait qu’il à rédiger un essai sur les mérites respectifs des chiens et des chats comme animaux de compagnie ? Personnellement je l’ignorais et cette simple connaissance permet de chasser le portrait caricatural de Lovecraft comme un auteur reclus, incapable d’écrire autre chose que ses cauchemars fiévreux. Et pour celui qui souhaite découvrir l’auteur, il y trouvera une très bonne introduction à son œuvre. Et ce que certains passages peuvent ôter comme surprise de la découverte il l’ajoute en compréhension globale de l’œuvre. Au final cet ouvrage est une bonne synthèse (avec tout ce que le mot implique) de la vie et du travail de Lovecraft. Pour la longueur du livre le résultat est assez riche, cette brièveté rendant la lecture rapide et agréable. Alors certes n’attendez pas de grandes révélations sur Lovecraft ni une étude poussée et profonde, mais que vous soyez déjà amateur de l’auteur ou que vous soyez un curieux désireux de s’y intéresser, vous devriez trouver votre bonheur, si vous garder à l’esprit les limites du format.