Un hommage à Molière

Sur la pente ascendante du succès, Labiche ne craint pas de récupérer l'un des plus célèbres personnages de théâtre du répertoire français : "Le Misanthrope", de Molière (qui est d'ailleurs nommé vers la fin). Mais Labiche sait très bien qu'il n'est pas à la hauteur de l'illustre écrivain, et sa pièce est plus un hommage qu'une manifestation de prétention.

La mécanique de Labiche place Chiffonnet dans des postures qui l'amènent à en rabattre sur ses indignations vertueuses face au mensonge et à l'hypocrisie. Chiffonnet n'est pas dupe des agissements de sa petite servante, Prunette, qui n'a pas sa pareille pour facturer à son maître les achats qu'elle effectue pour son compte à un prix plus élevé que ce qu'il lui ont coûté. Leurs échanges ambigus (Chiffonnet n'est pas dupe mais admire l'ingéniosité de la fille) sont l'un des charmes de la pièce.

On goûtera les ridicules de Chiffonnet lorsqu'il entreprend de faire le beau en présence de Madame Coquenard, les soupçons de cocufication de celui-ci, les manigances de Chiffonnet contrées par la franchise brutale de Machavoine, le complot de Chiffonnet pour pousser Machavoine à mentir parce que trop de franchise, c'est trop...

Intéressantes allusions distanciées au théâtre du temps, style "L'auteur se fait critique" : Prunette "est de l'étoffe des Lisette et des Marton dont fourmille le répertoire du Théâtre-Français (édition Dabo, soixante-sept volumes, très mal imprimés") " (scène XV); Talma, Brunet et Potier (comédiens), Molière et Regnard (auteurs) sont cités dans le choeur final.

La pièce bénéficie d'un juste rapport entre le tempo des évènements et les complications vaudevillesques. Agréable et drôle.