Vous n'entrez pas dans un livre de Science fiction mais dans une uchronie triste et glaçante. Ecrit en 2015 le Paradoxe de Fermi est la peinture d'un futur proche, très proche, trop proche. Moins d'un siècle, pensez donc, une paille ! Pessimiste ou juste affreusement réaliste ? Le héros du livre pourrait être mon petit fils ou ma petite fille. Cela m'attriste, et après quelle importance ? C'est ma faute aussi mais si peu. Comme toi j'ai ma minuscule part dans cette Théorie du chaos, effet papillon ou domino dans cette réaction en chaîne inéluctable. L'homme est-il un virus ? Est-il capable de transformer en poubelle toxique invivable ce jardin, cette planète magnifique sur laquelle il se tient ?
Tous les indicateurs sont au rouge et Jean Pierre Boudine les exploite dans ce court bouquin pour donner sa réponse à la question posée par le physicien Enrico Fermi en 1950 « Sommes-nous la seule civilisation intelligente et technologiquement avancée de l'Univers ?
Pour conduire son récit il lui suffit de lire, de relever les signaux qu'on trouve dans l'actualité : pollution, réchauffement climatique, extrémisme, crise économique et financière, guerres diverses. Sa conclusion est sans appel : "A l'échelle d'une planète une civilisation ne peut en rencontrer une autre car sa durée de vie est trop courte, trop fugace".
Le paradoxe de Fermi est un prétexte à l'écriture de ce livre centré sur la fin de l'homme, sur l'effondrement de notre civilisation.
Le ton est désespérant, désabusé et froid. Le monde dépérit petit à petit. Il devient de plus en plus dangereux et chaotique au fur et à mesure que les moyens de communication modernes périclitent et meurent. Le héros perclus de solitude, de lassitude survit par habitude, n'a plus envie de rien sauf de terminer son histoire et celle de son monde éreinté à l'aide de quelques crayons à papier, de vieux cahiers. Pas d'espoir donc et la lecture noue les tripes. Ce roman sous forme de récits enchâssés est court (less is more) mais bien construit puisqu'il part d'un homme seul pour aller crescendo vers le sort de tous les hommes mais aussi nous plonge dans une métaphysique triste où le néant prédomine.
L'homme est malade. Il est malade de l'homme. Malade de son agressivité, de son intelligence. Ce sont ses forces mais aussi ses faiblesses, ses qualités mais aussi ses défauts. Il se tuera après avoir tué toute vie autour de lui. Il se bat contre lui-même dans des sables mouvants. Quelle que soit l'issue du combat il se noiera et la Terre débarrassée de lui (à lire "Le Monde enfin" de Jean Pierre Andrevon") reprendra ses droits.