Le péril roux (comme un Renard)
Ce roman est considéré comme un "classique" de la SF française. Il est vrai que c'est plutôt bien écrit, et que l'univers présenté (sub-aérien) est original. L'ennui vient du récit en lui-même : il ne se passera pas grand-chose d'intéressant. La dissection de la vache sacrée de la littérature de genre française commence.
Donc dans la campagne du Bugey se produisent des dizaines de disparitions d'objets, d'animaux et de personnes. Cela permet à l'auteur de meubler son intrigue en donnant moult détails sur les disparitions et l'émoi provoquée sur terre, sans qu'il n'y ait de réelle progression dans le récit. Nous sommes plus dans l'inventaire à la Prévert que dans la réponse française à la SF de Wells. Les détails inutiles abondent entre 2 rebondissements homéopathiques.
Cela s'aggrave à partir de la première disparition humaine : 3 jeunes dont Marie-Thérèse, la fille du héros (l'astronome Jean Le Tellier). Comme le récit est vu du point de vue de la famille Le Tellier et des 2 prétendants du Mac Guffin (prétexte narratif), pardon je voulais dire demoiselle en détresse. Évidemment ceux-ci sont impuissants à aller affronter les Sarvants. Je crois que l'astronome Le Tellier et le duc d'Agnès peuvent recevoir la palme des héros les plus passifs de l'histoire de la littérature. Jamais ils ne feront face aux méchants.
Donc dans la première partie du livre, nous aurons droit à des recensements et des déclarations "La pauvre Marie-Thérèse doit être en danger" répétés à la nausée.
Ah j'oubliais quelque chose. L'un des prétendants, le duc d'Agnès, (le riche, noble et beau) demande à un ami à lui (un certain Tiburce) d'enquêter sur la disparition de Marie-Thérèse. Tiburce enquête en se basant sur les méthodes de Sherlock Holmes. L'ennui étant qu'il s'agisse d'une parodie de Sherlock bien pathétique. C'est peut-être amusant sur le coup mais ces scènes sont purement gratuites, d'un point de vue narratif (car elles ne collent guère avec le reste de l'histoire et son atmosphère glauque et dramatique) et d'un point de vue moral (imaginez Jean-Marie Poiré dénigrant Kubrick).
Bref, le péril est bleu de l'eau de son naufrage. Heureusement la 2ème partie du livre relance un peu l'intérêt malgré d'autres tares à venir. Le second prétendant de la demoiselle en détresse (le pauvre, roturier et moche) décide de se faire capturer par les Sarvants, et sur son cadavre est trouvé un cahier de son récit. La description de l'univers des méchants est de loin la meilleure partie du livre, malgré qu'elle soit régulièrement coupée par d'autres événements ridicules.
Donc si j'ai bien compris, les Sarvants ne pouvaient s'aventurer que dans la région du Bugey. Mais l'auteur fera crasher leur vaisseau invisible à Paris! Au même moment que pour une course aérienne ou participe le duc d'Agnès. Désolé mais je trouve cela trop gros.
Donc les Sarvants ne pourront plus jamais s'attaquer à la surface et rien ne sera fait contre eux. Tout ça pour ça en fait. Et les prisonniers seront quand même rapatriés sains et saufs (ce qui est peu logique : pourquoi ne pas les étudier quand même? Les tuer pour éviter qu'ils ne révèlent leurs secrets? Comment ont-ils pu descendre 50.000 mètres sans la technologie des Sarvants? etc.)
A la fin il faut compter sur un ultime rebondissement idiot à propos du MacGuffin, pardon la demoiselle en détresse, de façon à perdre définitivement le lecteur par sa stupidité, gratuité et xénophobie assumée. Cet épilogue nanar est anthologique. Si ce livre doit être lu, c'est pour nous montrer que bonne idée ne rime pas avec bon roman, mais paresse et ringardise de l'époque de l'Action française.
A la fin la morale est sauvée : la demoiselle épousera le beau et riche qui n'aura rien foutu pour elle et le misérable roturier laid (comme tout roturier non scientifique qui se respecte) se sera sacrifié en vain et n'aura droit qu'à de vagues remerciements sur sa tombe.
J'avais commencé cette critique en août dernier, et c'est seulement maintenant que je me suis rendu compte que je ne l'avais pas encore finalisée. Mais ce truc me dégouttait tellement que je l'ai occulté.