Après avoir consacré un ouvrage à la question de la désobéissance civile, Albert Ogien et Sandra Laugier poursuivent leur réflexion sur les nouvelles formes que prennent les aspirations démocratiques dans les mouvements populaires à travers le monde. Ils commencent par une typologie de ces mouvements, ceux nés depuis 2011 dans le sillage d’Occupy Wall Street et des Indignés. Répondant à la triple exigence de n’avoir ni leader ni programme ni affiliation partisane, ces rassemblements mettent en avant des revendications que les auteurs qualifient d’unanimistes (dans la mesure où leur définition du peuple transcende toutes les limites nationales ou de classes sociales et englobe les masses les plus larges), refusent généralement l’usage de la violence et ne cherchent pas à conquérir le pouvoir. Les auteurs contestent à la fois le jugement des technocrates (qui crient au populisme et refusent de voir du politique dans ces mouvements) et ceux de certains auteurs qui, comme Alain Badiou, Toni Negri ou Michael Hardt, leur sont moins défavorables mais restent incapables de prendre la mesure de ce nouveau mode de contestation. « On peut parler d’un romantisme de la démocratie, qui va jusqu’au bout de cette aspiration du romantisme qu’est la réappropriation du monde ordinaire par l’expression subjective. »


Si on apprécie la prise de position des auteurs en faveur de ce qu’ils appellent la démocratie réelle, on a un peu de peine à se satisfaire de la définition qu’ils en donnent. Il s’agit moins pour eux d’un système que d’un principe et l’aspect structurel (les modalités de la prise de décision) a parfois tendance à s’éclipser derrière un corpus de valeurs dont on ne sait pas bien ce qui les justifie. C’est ce qui les amène par exemple à dénier au Printemps français tout caractère démocratique sous prétexte qu’il serait au contraire l’expression d’un désir d’autorité (la quelle ?). La démocratie selon Ogien et Laugier se présente comme un pluralisme radical devant s’affranchir du cadre étroit de l’Etat-nation non pas comme une mesure de salut public mais comme « une extension des droits et des libertés individuels » fondée sur une nouvelle éthique – le care, notion théorisée par Carol Gilligan, soit une approche plus féminine du politique, avec une attention accrue portée aux relations singulières, par opposition aux positions normatives ou déontologistes qui caractérisent les philosophies morales traditionnelles. Une démonstration qui peine à convaincre.

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le 3 août 2016

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