Hypnotique
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À l’heure du succès de « 120 battements par minutes » , il faut malheureusement constater qu’on ne parle plus beaucoup d’Hervé Guibert. À juste titre?
Comme il est triste de dire que ce qui avait été, dans la stupeur généralisée des ravages du sida, le phare et le symbole du combat contre la maladie, est devenu aujourd’hui un témoignage qui ne vaut que pour illustrer une situation terriblement banale.
J’aime en ce moment les livres proches des milieux médicaux. J’ai aimé *Le lambeau*de Lançon, Réparer les vivants de Mailys de Kerangal, Réanimation de Cécile Guilbert, Le pavillon des cancéreux de Soljenitsyne. L’art trouve des ressources étranges pour faire partager au lecteur une parcelle plus ou moins grande de la souffrance liée à la maladie. J’avais Le protocole compassionnel sur mes étagères. Je l’ai lu. Rien.
Un style froid, plat, une façon détachée, distante ( et pourtant sans pudeur) de parler des autres qui l’entourent, y compris les plus proches; de l’ intérêt pour des aspects dérisoires de la vie quand on risque de la perdre ( comme le prix des œuvres d’art qu’il convoite, l’argent que lui rapportent ses livres dont il vante avec une candeur naïve le génie...). Le plus étonnant est l’absence de toute réflexion que la proximité de la mort pourrait susciter. Rien. Les moments les plus émus sont quand les traitements lui apportent un peu de répit. Alors « j’étais de nouveau vivant, écrit-il . J’écrivais de nouveau. Je bandais de nouveau.Bientôt, peut- être, je baiserais de nouveau. » p. 54 ( édition Gallimard) Un de ses moments de bonheur aussi a été quand une jeune femme l’a reconnu dans un bus et lui a dit qu’elle le trouvait beau... Il a été « bouleversé, reconnaissant, ému aux larmes » p. 115
L’écriture, oui, il en parle. Le film qu’il projette de faire sur lui, sa maladie, ses soins, aussi. À un moment, il rencontre un homme qui a perdu son amant du sida et est resté couché sur lui plusieurs jours. Cette rencontre lui fait voir un homme sans grand intérêt, banal, et il écrit, déçu , qu’il ne pourra pour cette raison l’inclure dans son livre...
J’ai terminé la lecture du récit, par respect pour cette vie qu’il raconte.
Mais en étant triste qu’il m’ait fait côtoyer un écrivain si banalement médiocre dont l’histoire m’a inspiré de la pitié, oui, mais sans jamais arriver à éveiller de la compassion pour l’homme.
Je me suis souvenu de ce passage de Guibert dans l’émission « Apostrophes » qu’il évoque complaisamment dans ce livre. Pivot avait été marqué par son attitude devant l’agonie de Michel Foucault - qui ne lui avait pas donné l’autorisation de raconter ses derniers instants, d’ailleurs. Guibert avait pour un temps quitté son visage d’ange impassible, sincèrement étonné par la stupeur du journaliste. Pivot évoquait le moment où Guibert avait embrassé la main de Foucault sur son lit de mort et était rentré chez lui se désinfecter la bouche...
PS, les dislike vont bientôt égaler les like :-)
Ce serait bien que les lecteurs qui aiment Guibert viennent me donner leurs raisons afin de modérer mon recul face au personnage :-)
Créée
le 12 août 2018
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