Après le poignant Calme et tranquille (2016), récit intime et terrifiant de l'attentat contre Charlie Hebdo, Valérie Manteau se réfugie à Istanbul, ville-monde à l'atmosphère bohème et insouciante, du moins en apparence.
A fil de ses déambulations et de ses rencontres avec la jeunesse bouillonnante stambouliote, Valérie Manteau fait le constat que les ténèbres de l'intolérance, de l'injustice et de la répression sont aux portes de la ville et du pays.
L'assassinat en 2007 de l'écrivain et journaliste d'origine arménienne Hrant Dink, dont la vie et la pensée sont le fil rouge du roman, ne sera que la première étape d'une longue dérive vers l'autoritarisme. Avec effroi, nous vivons et observons aux côtés de Valérie Manteau les attentats à répétition, le supposé coup d'Etat, les faux procès à l'encontre des journalistes, et surtout cette peur qui s'installe dans le coeur des plus téméraires, les poussant à fuir le pays.
Le Sillon est donc un récit déchirant, d'autant plus pour ceux, comme moi, qui ont déjà visité Istanbul et ont pu être marqués par sa vitalité, son insolence, sa diversité. Cette énergie multi-culturelle, millénaire semblait immortelle face aux affres de la politique.
Le roman de Valérie Manteau a indéniablement de nombreuses faiblesses, à commencer par une structuration un peu désordonnée du récit, une multiplication des personnages qui peut prêter à confusion. Mais ces quelques défauts sont vite effacés par la puissance et la détresse du récit que nous livre Valérie Manteau.