Tout le monde connait le film de Gilles Grangier avec Gabin (le dabe), Blier (Charles), Biraud (le cave) etc … Alors que le film "Touchez pas au grisbi "est une adaptation fidèle du roman éponyme qui est le premier de la trilogie dite de "Max le Menteur", le film "Le cave se rebiffe" n'est qu'une lointaine adaptation du roman paru dans la Série Noire sous le n° 206.
Déjà le personnage de Max qui est le narrateur disparait dans le film ou est amalgamé avec le rôle du truand genre maquereau minable, Franck Villard. Le personnage de Balpétré n'existe pas dans le roman et le Dabe n'est pas le même personnage puisque dans le roman, c'est lui qui vient solliciter l'aide de Pierrot (ou Charles), l'ex-tenancier de maison close. Et le personnage de Blier ne va donc pas le chercher au Venezuela.
Je dirais que le roman "offre" un service différent et plus complet. D'abord, l'aventure de la fausse mornifle n'est qu'une partie du roman. En effet, en parallèle, Max le menteur et Pierrot dit le "gros" (l'ex-tenancier de bordel) sont des personnages cohérents à ceux de "touchez pas au grisbi" ; leur principal souci concerne ce rade qu'ils ont acheté et qui devait leur rapporter des mille et des cents sans trop se fouler. Mais voilà que de sales loquedus s'opposent à la réouverture d'autant cette boite avait été fermée suite à un sanglant règlement de comptes ; indépendamment de l'affaire de fausse mornifle organisée par le Dabe, ils sont pris entre deux feux, la bande de truands rivale et les flics Larpin et Maffeux qui, la truffe au vent, reniflent la bonne affaire si tous ces truands viennent à s'entretuer.
Par contre, dans le roman il y a bien le Cave qui finit par posséder tout le monde du Dabe à Max et le Gros qui concluent avec force philosophie, la phrase anthologique :
C'est drôle ; On charrie le cave…On le charrie pendant des années, puis un jour, sans qu'on s'y attende, le cave se rebiffe !
Comme toujours chez Simonin, le style et le langage sont l'argot de la grande truanderie de Paname. Et il y a des passages fameux dans le roman comme par exemple, lorsque Max et Pierrot détaillent le contenu de la cave du troquet :
"Le gros, en bras de chemise, manches retroussées, il faisait plaisir à voir, ses lunettes sur le pif pour mieux détailler les rouilles, les pointer sur sa liste…je voyais à sa frime qu'on semblait pas trichés :
- C'est pas des sirops à donner en clientèle"
De même, Max a toujours sa réputation de grand séducteur de ces dames. Et comme dans "touchez-pas au grisbi", il tape en éclectique que ce soit dans la greluche ou la bourgeoise de la haute désireuse de connaître le grand frisson ou encore la petite bourgeoise qui fait dans le cinq à sept pour mettre du beurre dans les épinards comme la femme du Cave qu'il a pour mission d'emballer pour attirer le mari vers le Dabe.
Un régal pour un vieux macho qui s'ignore comme moi…
Eh puis, c'est aussi un roman noir où les plans foireux ne tournent pas forcément à l'avantage de nos deux héros et où des innocents casquent le prix fort. Entre le cave qui se fait une santé sur le dos des truands et les copains qui morflent, Max et Pierrot sont, certes, toujours vivants et libres à la fin du roman mais finalement pas fiers devant l'addition un peu lourde.
"A sa façon de river son regard au loin, dans le pinceau des phares, sans oser le dévier pour qu'il croise le mien, j'ai compris que je ne me trompais pas.
Je m'y suis senti repartir, dans le cirage !"
Comme toujours chez Simonin, le roman est passionnant, souvent amusant avec des personnages pas vraiment recommandables mais qui paraissent si sympas…