Analyse très riche des signes, très éclairant dans son observation des formes subversive et autres liens effectué avec des dynamiques historiques/sociales du japon contemporain.
On déplorera quand même cette démarche totalisante inhérente à la culturalisation abusive des oeuvres d'arts. A tout lier, on en vient à chercher le clonage, et alors l'expérience particulière de l'oeuvre, unique par rapport aux autres, est pulvérisée et l'analyse s'abstrait forcément à cette dimension pourtant inaliénable de l'art. C'est par la différence entre les films qu'on parvient à une analyse esthétique précise, et non en réduisant les particularité par une uniformisation. La simple présence du signe devient valeur peu importe le rapport que ce signe entretiens avec les dimensions cinématographiques que sont l'espace audio-visuel, le temps et la matière. On en arrive donc à des absurdités comme ce moment où l'auteur trouve une évocation diffuse du drame atomique dans la lecture d'Akira par une des protagonistes d'Eureka, détail qui replacé dans l'expérience du film n'évoque rien de cela et passe inaperçu, et semble d'avantage réifié par Benjamin Thomas pour grossir sa panoplie d'exemples. Dire qu'il est impossible de ne pas voir Hiroshima et Nagasaki au moment où le film nous surprend par des éclats de surexposition nie la simple existence matérielle de la lumière comme phénomène, part majeure de l'expérience esthétique cinématographique. Décortiquer un film au point où le rapport temporel particulièrement pensé entre ses fragments et sa totalité se délite de manière abstraite semble contradictoire avec le fait d'entrer dans la profondeur du film. Le livre est donc une intéressante analyse thématique, mais je pense qu'on peut très vite questionner les limites de sa démarche qui tend à vouloir fermer le cinéma japonais contemporain dans un système de signe unis, sans considération esthétique particulière hors d'une esthétique socialement probante, ce qui parait assez faible.
L'aspect fascinant du cinéma étant sa capacité à être en flux, à filmer la matière avant l'idée car on ne fait que la capter, à éprouver les représentations dans le temps de l'expérience concrète, il serrait quand même dommage je pense de le restreindre avec une analyse qui ne prend pas en compte ces dynamiques primordiales du medium cinématographique, car cela exclu totalement les résidus, les instants, les moments infimes qui peuplent cet art et qui lui donnent le plus grand intérêt, et par où on peut creuser son potentiel émancipateur.