Une très bonne analyse de la dualité à laquelle doit faire face bon nombre de femmes, mais un parti pris trop tranché du côté de la femme et jamais de la mère moderne, peu de réponses concrètes et peu de remises en question du fonctionnement encore trop patriarcal et vertical de nos sociétés occidentales. J'ai eu l'impression qu'elle avait écrit ce livre pour se justifier et se déculpabiliser de n'avoir pas été une mère présente, une mère qui a choisit son métier plutôt que ses enfants. Elle est loin d'avoir tort sur tout (notamment sur les pressions de la Leche League), mais elle m'a paru plus tenter de justifier ses choix d'une époque où la femme devait s'affirmer au-delà de la maternité, sans en reconnaître les écueils. Elle évoque vaguement les reproches d'égoïsme des filles des féministes des années 1960-1970, mais sans jamais tenter de comprendre leur point de vue, tandis que ces mêmes filles ont parfaitement compris celui de leurs mères (et leur pardonnent).
Elle ne prend pas assez en compte qu'avec les moyens de contraceptions dont nous disposons actuellement, mettre un enfant au monde n'a plus la même signification. Si auparavant une femme pouvait toujours justifier de son manque d'attention envers son enfant parce qu'elle n'avait pas eu le choix, et par là se déresponsabiliser, ce n'est pas le cas pour les femmes d'aujourd'hui (ni pour les hommes d'ailleurs), qui se trouvent hautement responsabilisées tout en vivant dans un monde du travail toujours basé sur le modèle de l'homme "constant", et sur encore trop peu de responsabilisation des pères et de son rôle auprès de l'enfant et de la construction de la société, basée sur une gratification de l'ego par l'argent et la réussite sociale.


Maintenant, elle a raison de s'inquiéter d'un retour en arrière depuis quelques années, mais sa réponse ne m'a pas convaincue, culpabilisant la mère moderne qui voudrait trop bien faire dans une société qui attend d'elle aujourd'hui qu'elle sache exceller autant en qualité d'éducatrice que de femme active. Badinter en rajoute une couche, elle qui est une reine parmi les femmes de notre société dont le fonctionnement lui a réussi et dont elle ne veut plus changer une virgule. Le temps n'est pas arrêté à cette époque du féminisme égalitariste, qui a prouvé qu'une femme pouvait faire aussi bien voire mieux qu'un homme. Et qu'elle pouvait le faire en ayant des enfants, surtout si elle a l'argent nécessaire pour avoir un soutien correct à leur éducation. Elle omet de parler cet aspect de la maternité de la femme moderne et active, ne pouvant sûrement pas la comprendre tout à fait. Du coup, elle ne prend pas en compte une exploration de nouveaux possibles, qui n'en est qu'à son commencement. Et nécessaire et aux hommes et aux femmes, qui se ressemblent et diffèrent à la fois, sans que ce soit un frein au mieux être pour nombre d'entre nous, ni un appel à la domination d'un sexe sur un autre, ni à la déresponsabilisation de quiconque. Un besoin d'affranchissement des limites d'une société pour que chacun puisse y vivre en accord avec ce qu'il/elle est, en laissant la place à une évidente altérité. Et pourquoi pas une société où chacun se sentirait à sa place, sans discriminations ni préjugés sur les rôles à tenir selon son sexe (voire son origine sociale, sa couleur, sa culture) ? Je ne sais pas si c'est possible, mais je trouve que ça vaut le coup d'essayer. Même si c'est inconfortable (et fatiguant) puisque rien n'y serait ordonné selon un ordre établi, nous forçant à nous familiariser avec un chaos positif.


Ce livre enjoint les femmes à se conformer à un modèle ancien du féminisme et à notre société productiviste et c'est pour moi l'écueil de ce livre, même si je ne peux que reconnaître à Badinter et à toutes celles de sa génération d'avoir fait un boulot énorme. Comme de poser parfois les bonnes questions et de chercher à tirer les femmes vers le haut. Mais il y a encore pas mal de chemin à parcourir, qui fait mentir les dogmes à chaque virage.

Melchiora
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le 21 oct. 2015

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