Sa mère voulait qu’il suive l’enseignement traditionnel musulman à la medersa. Son père parti travailler en France l’a inscrit à l’école des Blancs, pour qu’il soit le premier de la famille à devenir quelqu’un. Mais l’intelligence et la curiosité du jeune Malien Hamet le rendent turbulent et rebelle. Pour lui apprendre la vie et le ramener à davantage d’obéissance et de respect des traditions, il est envoyé quelques mois loin de la capitale Bamako, dans le village où vivent ses deux grands-mères. L’y attendent les conditions rustiques de la campagne, les travaux des champs en compagnie d’autres garçons, mais aussi une famille dont les complexes liens de parentèle recèlent bien d’édifiants secrets. En fait de lui remettre du plomb dans la cervelle, ce retour aux sources va le transformer en profondeur.
Au travers du regard espiègle de son jeune personnage, ce n’est ni plus ni moins que les déchirements identitaires de son pays et de l’Afrique qu’aborde avec humour Diadié Dembélé. Ce garçon, dont le père s’est convaincu qu’il ne pourra connaître d’avenir digne de ce nom qu’en embrassant les codes et les savoirs occidentaux, finit par lui devenir par trop insupportable avec son français plus pointu que celui des Français de France et ses affirmations scientifiques en si insolente contradiction avec les croyances des siens. Il est temps de lui rappeler qui il est et d’où il vient. Et pour cela, rien de tel qu’une immersion au plus profond du pays, dans le village de ses aïeux.
Pour l’enfant que ses maîtres s’appliquent impitoyablement à couler dans le moule des Blancs, lui interdisant jusqu’à sa langue natale, le choc est pour ainsi dire culturel. Il commence par le langage, car au village l’on parle soninké, quand, à la capitale, français et bambara prédominent. Et puis, à la campagne, l’on vit encore modestement et à l’ancienne, au rythme des cultures et des traditions qu’Hamet va découvrir de près, pour son dégoût d’abord, car il lui faut se faire à une alimentation moins riche et à l’eau du puits au goût saumâtre ; pour sa surprise souvent, comme lorsqu’il participe aux rites de lutte contre la sécheresse ; pour son plaisir enfin, notamment le grand jour de « la pêche collective de la mare » et au fil de ses nouvelles amitiés.
Mêlant français, bambara et soninké dans une combinaison détonante d’expressions imagées et poétiques, la plume rythmée et inventive de l'écrivain nous transporte dans un chatoyant récit d’apprentissage, aussi malicieux qu’attachant, qui très finement nous parle d’identité et de quête des origines. Trait d’union entre plusieurs mondes, son jeune personnage illustre l’inégalable richesse des métissages, comme celle que Diadié Dembélé insuffle à ce très convaincant premier roman.
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