Dans Le tiers temps, Maylis Besserie raconte les derniers mois de Samuel Beckett dans une maison de retraite parisienne. Véritable description sans filtre de la vieillesse, ce mal étrange qui nous menace tous, ce roman met en scène un Beckett attendant sa propre mort avec humour et légèreté, à la manière du Roi se meurt de Ionesco. Sam, seul dans sa chambre, mangeant - ou pas - ses potages et buvant ses whiskys, se souvient de sa longue vie, visité par les fantômes de sa mère May, de son maître James Joyce, et d'un homme qui faillit le tuer en 1938. Il décrit sans fard l'affaiblissement et le déclin du corps, prison de l'esprit.
Comme si elle pouvait s'attendre à autre chose de la part d'un type qui ne croyait en rien. Qui était arrivé dans l'existence par accident, resté par négligence. Qui avait fait mine d'oublier la solitude à laquelle il était condamné depuis qu'il avait raté sa venue au monde. Lui qui flottait parmi les hommes, pas tout à fait né, pas tout à fait mort. Lui qui, plus seul qu'un rat, souhaitait l'être au-delà de tout.
L'auteure propose une réflexion sur la double-identité franco-irlandaise, et sur la langue - les langues - rappelant l'oeuvre de Vassilis Alexakis et ses personnages franco-grecs.
Je bois, pour oublier mon malheur d'être au milieu de tous ces hommes qui rient. Je bois pour oublier l'homme que je suis. C'est irlandais, voilà tout.
Sans pathos, Maylis Besserie accompagne le grand Sam jusqu'à sa mort, qu'il a tant attendue. Ce premier roman très réussi et absolument captivant donne envie de découvrir, ou redécouvrir, la littérature irlandaise de Joyce, Yeats, et Beckett lui-même.