L'humour tendre et bienveillant pour écrire sur la colonisation

Ferdinand Oyono publie dans les années 50 trois romans en français, qui abordent la vie quotidienne en Afrique à l'époque coloniale. Mettant en cause l'Eglise des missionnaires ou bien encore l'administration – souvent brutale – coloniale, ses œuvres feront scandale en cette période de décolonisation. Ces thèmes sont particulièrement traités dans Le vieux nègre et la médaille, publié en 1956.

Oyono use d'un humour tendre et bienveillant pour écrire sur ce sujet fort et profondément personnel qu'est la colonisation. Une œuvre qui nous rappelle cette escarre qui déchirait – et déchire encore parfois – l'homme Noir et l'homme Blanc. Le vieux nègre et la médaille évoque les tensions et autres altercations entre les colonisateurs et les colonisés. Dans ce roman, Laurent Meka, le héros, est convié à une remise de médaille, acte de reconnaissance de la France pour le gratifier d'avoir vendu ses terres à la Mission catholique, et marquer d'un point d'honneur la mort de ses deux fils durant la Seconde Guerre. Cependant, après la cérémonie et une soirée qui tournent à l'humiliation pour Meka, le « vieux nègre » réalise l'hypocrisie des forces coloniales à propos de l'amitié que ses hauts dirigeants prétendent porter pour les colonisés, les « indigènes ». La littérature française du XIXe siècle et du début du XXe siècle a eu tendance à stigmatiser les Noirs, uniformes par leur pensée, leur apparence et leur sauvagerie. Oyono renverse la situation en proposant une nouvelle image: cette fois, les Blancs sont ces cruels pantins sans visages.

Ecrit en 1956 avant l'accession du Cameroun à l'indépendance (alors obtenue en 1960), Le vieux nègre et la médaille présage avec maestria les ébranlements qui attendent le pays de Ferdinand Oyono quelques années plus tard. Invitant à la réflexion sur un moment de notre Histoire, l'auteur effectue le procès du colonialisme, le dénonce, tout comme il souligne la relation inégale des acteurs de celui-ci. C'est alors une œuvre amusante douée d'un grand atticisme comique, soutenue par un fort réalisme, emplie d'autodérision et d'ironie mais porteuse d'un message intense et provocateur, que nous livre Ferdinand Oyono. Tout comme les personnages à la fin de son roman, l'auteur camerounais lance un appel aux libertés : celle de la pensée, de la préservation des coutumes et des traditions, mais surtout celle... de l'égalité.
Sultan
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le 14 nov. 2011

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