3 critiques pour ce livre, toutes positives : il est temps que cela cesse.
Ayant reçu en cadeau cet ouvrage au titre alléchant, je m’empressai de le lire avec curiosité. Les premières pages lues à voix haute avaient l'attrait de la nouveauté et, en dépit de la grande vulgarité qui esquintait le texte de grandes balafres, l'innovation du lexique rendait l’expérience colorée et divertissante (cela ne dura guère). C'est bien là le seul bon point du livre : outre une lecture rendue très rapide par l'absence de ponctuation (à l'exception du point à la fin des paragraphes), la riche compilation d'expressions, de mots verlans, d'anglicismes et de barbarismes de notre époque mérite le détour du linguiste blasé. Le texte recèle des inventions les plus folles que l'oralité permet ; et je suppose que les philologues du futur étudieront avec intérêt ce témoignage de tous les mots ineptes que l'histoire de la langue n'aura pas conservé.
Excepté ce détail, le livre n'a pas grand chose à offrir et les cent dernières pages sont des plus fastidieuses qu’il m’ait été donné de lire.
La couverture annonce que ce livre est le plus drôle de l'année 2014. Je dois avouer que pas un texte ne m'a fait rire. La langue utilisée repose essentiellement sur l'usage abusif de vulgarités et de calembours tournant autour du sexe. On ne manquera de citer les références innombrables à la culture populaire qui émaillent le texte et sont censés le réactualiser (pour qui d’ailleurs puisque les adolescents de nos jours ignorent jusqu’à l’existence de MacGuyver !).
Je dis bien "censés" car c'est le véritable point que je voulais soulever dans ma critique à savoir : quel est le projet des 2 auteurs ? En effet, au fur et à mesure des chroniques il m'a parut de plus en plus flou.
S'agit-il d'un ouvrage parodique destiné à vulgariser des grands classiques et les présenter de manière ludique au premier béotien venu ? Ou bien un clin d’œil adressé aux lettrés qui souhaitent redécouvrir de manière ludique les classiques qu'ils ont appréciés ? Si ces objectifs étaient ceux des auteurs, il s'agit sans aucun doute d'un double échec.
Ouvrage parodique : pas vraiment, il s'agit d'un résumé plutôt superficiel et arbitraire de l'intrigue, mise au goût du jour par certaines tactiques assez fallacieuses. De ce côté-là, je considère que cela est manqué. Les textes ne permettent pas de saisir l'originalité de l'œuvre qu'il détourne, ne révèle pas les enjeux, ni la subtilité des personnages. Pourquoi ne pas avoir porté la parodie jusqu'au bout et raconté dans ce style "moderne" des histoires transposées dans le monde actuel (ce qui aurait évité la surabondance ad nauseam des anachronismes) ? Je suppose que personne n'ira se jeter sur un classique après en avoir découvert l'existence dans ce bouquin. D'ailleurs en parlant de "classique", je doute de la validité de ce titre rien que par la présence de Patrick Modiano (pas encore un classique), d’Emmanuel Carrère et surtout de Marc Lévy (!) qui dénote totalement avec Proust, Dostoïevski, Baudelaire qui se trouvent eux aussi embarqués bien malgré eux dans cette galère.
Ensuite, s'il devait s'agir d'un clin d’œil lancé aux érudits lecteurs, je dois relever la même déception. Pour faire preuve de pédanterie, j’avoue avoir lu 38 des 54 ouvrages cités, et bien que des références non dénouées de subtilité affleurent parfois à la surface des phrases, elles se perdent au milieu de l'amoncellement gargantuesques de vulgarité et de mots étranges qu'il faut reconstituer (ce qui a le mérite de maintenir l'esprit en éveil, j'en conviens), si bien que rien dans ce livre n'est venu me faire sourire. Les expressions les plus "novatrices" (dont j'avoue ne pas connaître certaines) côtoient des termes que l'on qualifie du langage recherché, ce qui vient confirmer selon moi l'échec du premier objectif.
Nous sommes ainsi face à des textes hybrides, une chimère mêlant maladroitement expressions recherchées et vulgarités les plus triviales, avec, ceci dit, quelques inventions orthographiques des plus inélégantes (genre néologismes laids).
J'en viens ainsi au dernier point de ma critique c'est-à-dire la langue employée. En effet, ce n'est pas rendre hommage à la langue "nouvelle" (ni aux œuvres d'origine) que de les peindre sous ces aspects peu flatteurs : outres les vulgarités (c'est la troisième fois que je le dis), on la découvre dans toute sa misogynie, son homophobie et sa xénophobie, et ses emprunts quasi maladif à la langue arabe.
Au vu des notes assez inconcevables que le livre a pu recevoir, je me demande qui sont les défenseurs de cet ouvrage ô combien inepte !