On a beau dire, c'est toujours mieux quand on la connaît soi-même la souffrance et la faim pour en parler ; quelque chose en plus qui se dégage, du sang et de la sueur sans doute.
Meckert il l'a connue lui, la douleur du ventre, les petits-boulots, la vie triste à pleurer. Et son personnage il la vit tout du long.
Félix, un pauvre bougre en somme, gangrené au monde, pris dans les valves de l'incompréhension et qui essaye de s'en sortir avec ses mots. Jamais suffisant. Ni mauvais ni bon. Juste vivant pour savoir vivre les petits bonheurs quand il se présente, l'ennui et la peine bien souvent.
C'est la vie qui les use, toujours les mêmes, les malchanceux, les croutards, les laissés-pour-compte et l'on n'y pense pas. On passe, on contemple, on oublie toute l'étendue de la misère, la tristesse sans fond.
Et trop souvent la littérature les a oubliés également, les petites gens, sans ambition, sans culture ( pour ce qu'on en a à foutre ) qui vivotent simplement, s'éteignent bientôt si vite.
Et ces sales petits bourgeois de classe moyenne, donneur de leçon, rhétoriciens de la pensée, virus ambulants.
Il y a bien de quoi lui en vouloir à Félix. Ça n'est pas qu'il soit violent ou le mauvais gars mais il ne sait pas c'est tout, il ne sait pas dire les choses. Elles restent en lui et quand elles sortent c'est l'anarchie, la dérive totale.
Le sens de l'existence ce n'est parfois que les coups qu'on reçoit.