Assez surpris par ce roman de Robert Silverberg, un auteur dont j'avais beaucoup aimé le roman "L'homme dans le labyrinthe" . J'ai du mal à savoir si cette surprise est positive ou non. "Les déportés du Cambrien" raconte l'histoire de prisonniers politiques (d'où la notion de déportés), tous d'anciens trotskistes, maoïstes, gauchos et libertaires, tous d'anciens "révolutionnaires", qui ont rêvé trop haut et se sont fait alpagués par un gouvernement américain totalitaire qui les a envoyés en déportation dans le Cambrien via une machine temporelle composée d'un Marteau et d'une... Enclume. On a frisé l'ironie, non?
J'ai du mal à imaginer plus sadique comme punition : envoyer des gens dans un monde où la vie n'a pas encore émergé des océans et consiste en quelques espèces de trilobites (un passage montre un trilobite en flagrant délit d'inventer la marche sur terre, et le héros se pose la question de savoir s'il ne pourrait pas, en le tuant, interrompre toute la chaîne de la vie terrestre). Quelle grisaille pour nos révolutionnaires qui passent de l'émulation politique à la morne réalité d'un monde sans enjeux aucun , si ce n'est l'éternel ennui de leur condition (ils reçoivent des vivres et autres matériaux régulièrement, ce qui ôte même l'attrait de l'aventure à leur vies d'exilés).
Du coup Silverberg met ses débatteurs hors-pair face à une terrible réalité : celle de la folie, et nombreux sont ceux qui se perdent dans de désespérées conjectures mystiques ou autres ou choisissent le suicide. Surnageant le désastre, Jim Barett, le héros, s'est auto-proclamé roi de la petite colonie, une qualité qu'il doit bizarrement à sa force physique et sa haute taille... (J'attendais plus de la part de nos politologues).
L'action du livre est succincte: d'un coté un flash-back va nous faire revivre le passé du héros (son éducation politique, et une vague histoire de jalousie qui le mettra en danger) , de l'autre l'arrivée d'un nouveau prisonnier qui semble avoir un agenda secret. La résolution de l'une et l'autre de ces intrigues n'est guère probante, je crois...
Pourtant il y a un certain charme à ce livre . Ecrit en 68, il fait l'hypothèse de l'arrivée au pouvoir en 1980 (via les urnes) d'un régime qu'il appelle la "syndicature" (hum...) et qui va peu à peu traquer les opposants politiques. Silverberg tente ici ou là quelques tirades politiques, qui caricaturent un peu l'esprit des groupes gauchistes de son époque. Il y a surement une volonté de satire ou un commentaire plus pointu, mais je l'ai peu compris.
Une surprise donc... Si vous avez toujours rêvé de contempler le destin d'un maoïste à l'âge des trilobites, n"hésitez plus, c'est ce ivre qu'il vous faut, guys et guyzettes!!!