Nous suivons ici le destin d'opposants politiques qui ont été condamnés à un exil sans retour par un régime Terrien totalitaire ne pouvant les condamner à la peine de mort. Ils sont envoyés dans un bagne situé sur la côte étasunienne, mais dans un passé extrêmement lointain. Plus précisément au Précambrien, à une époque où nulle vie n'existe encore sur la Terre. C'est aussi un bagne dont on ne revient jamais car, si cette technologie permet d'envoyer objets et êtres vivants dans le passé, elle est en revanche incapable d'en ramener quoi que ce soit. Nourris et équipés a minima par des colis envoyés du futur par la dictature mondiale, les condamnés sont coincés à jamais dans un espace qui vaut le néant. La mort en ce lieu sans vie est-elle leur seule issue ?
Les déportés du Cambrien nous emmène en-deça des grandes questions existentielles. Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Toutes ces questions n'ont plus de sens dans cette dimension sans interactions. Silverberg nous rappelle ainsi que notre vie n'a de sens que dans un environnement qui lui offre une chance de lutter pour se maintenir. Dans ce décor, insensé pour un être vivant, nulle possibilité de se mesurer avec un biotope, pour s'en nourrir ou simplement s'en inspirer, s'enrichir de son altérité. Comment se définir être vivant là où la vie n'existe pas ? Seules la présence de quelques autres maudits, désespérés de leur sort, et l'introspection, refuge infini mais effrayant du monde intérieur rendent au condamné quelques repères pour continuer à exister. Pendant cette lecture qu'on peut trouver un peu pesante par la situation qu'elle explore, nous pouvons entrevoir la dimension abyssale qui cerne de toutes parts nos désirs et nos peurs, dont la plus effrayante, celle de plonger dans l'inéluctabilité du néant.
Isolés de force dans leurs appartements par un gouvernement qui a anéanti autour d'eux toute la vie sociale dans laquelle ils vivaient et leur a promis un enfer ad vitam aeternam, nos compatriotes n'ont-ils pas expérimenté un peu de ce désespoir absolu grâce à Monsieur Macron en 2020 ?