Un soufflé au mindfuck qui retombe avant la fin

Agréable à lire car l'écriture est facile, mais rien de transcendant dans ce Priest dont j'attendais un peu plus, vu l'intrigue de départ. Nous sommes dans un monde où le FBI utilise des programmes de réalité virtuelle hyperréalistes pour entraîner ses agents à réagir en situation de crise. L'agent Teresa a perdu son mari lors d'une fusillade au Texas, qui s'est déroulée le même jour qu'un autre massacre dans une petite ville d'Angleterre. Pour surmonter son deuil, Teresa part enquêter sur ce drame et s'enfonce dans la réalité virtuelle en revisitant les scènes de ces crimes pour comprendre ce qui s'est passé.

L'histoire est plutôt bien campée et nous fait espérer un dénouement explosif dans les méandres des Expériences Extrêmes, ces scénarios de réalité virtuelle qui sont pour la plupart des reconstitutions d'évènements violents où le sujet doit neutraliser le criminel enragé. Le roman aborde plusieurs thèmes intéressants, mais jamais développés jusqu'au bout :

• La limite entre le réel et le virtuel : thème classique en SF déjà surexploité, on le survole ici lors des moments de doute du personnage principal, mais celle-ci reste finalement plutôt lucide tout au long du roman, par conséquent le lecteur aussi.


• Les mondes parallèles, évoqués avec les souvenirs d'enfance de Teresa et les embranchements divergents du scénario "Gerry Grove". J'ai trouvé l'approche subtile et captivante même si on n'aura pas de conclusion claire sur le sujet.


• L'interactivité du sujet avec les scénarios : c'était pour moi le thème le plus intéressant et j'ai vraiment cru qu'on arriverait à quelque chose à partir du moment où Teresa se rend compte de son influence sur les actions de Grove. Je n'ai pas compris pourquoi cet arc est complètement délaissé pour terminer le roman alors qu'on était en pleine exploration de possibilités démesurées. Le livre aurait pu être basé tout entier sur ce thème et je n'aurais pas eu le temps de me lasser.


• Faire son deuil, alors oui Priest raconte des choses justes, mais en termes de profondeur d'analyse ça ne va pas très loin. La contrepartie c'est qu'on ne tombe pas dans le mélodrame et pour un bouquin de SF ça n'est pas plus mal.


• Les fusillades qui font des victimes "sans mobile apparent" : pour le coup l'auteur n'a même pas pris la peine de faire semblant de développer ce thème. Le mari de Teresa enquêtait sur ces scénarios en partant de l'hypothèse que les victimes n'étaient pas vraiment aléatoires, mais encore une fois on n'aura pas le fin mot de l'histoire. J'ai trouvé dommage aussi que tous les scénarios soient les mêmes : un tueur seul, sans mobile, abat plusieurs personnes avec des armes à feu avant d'être maîtrisé.

On attend donc le moment mindfuck qui n'arrive jamais. Les incursions en mode Inception dans la réalité virtuelle nous promettent des envolées tortueuses dignes de Philip K. Dick, et puis finalement rien n'est véritablement achevé.

En plus de ça j'aurais dû essayer de lire ce livre en anglais. J'ai trouvé le style assez médiocre, probablement desservi par une traduction française un peu bancale (concordance des temps parfois non respectée, expressions très formelles au milieu de phrases de style bateau, discours soutenu dans des dialogues familiers...) et par une édition bourrée de coquilles (sur des noms propres notamment, ce qui n'aide pas à se repérer parmi les personnages). Malgré tout l'écriture est fluide et les pages défilent plus vite que prévu, donc on ne passe pas un mauvais moment.

Livre agréable mais décevant, cherchez ailleurs si vous voulez alimenter votre insomnie.