Trois générations dispersées, évaporées, fuyant au fil du hasard ou de leurs propres failles.
Publié en août 2013 chez Alma, ce deuxième roman d'Arnaud Dudek est élégant et joliment mené, dans une atmosphère triste de destins peu chanceux, doucement broyés par une société qui les ignore largement, mais peine un peu à accrocher vraiment le lecteur.
Tout en admirant la tournure de cette trame finement agencée, où grands-parents, parents et enfants, disséminés par des hasards malheureux ou par leurs propres vicissitudes, "évaporés" ou "fuyants" comme le dit l'auteur - mais quelque peu au forceps -, ne parviennent ni au rassemblement ni à la rédemption, je n'ai pas réussi à me passionner vraiment pour ces tranches de réalité au goût parfois légèrement surgelé. Ayant revu tout récemment les extraordinaires "Ephèmères" du Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine, dans un registre au fond assez proche, peut-être ma comparaison implicite ne pouvait-elle être qu'un peu sévère avec le texte d'Arnaud Dudek, malgré l'habileté en gestation de ces quelques eaux-fortes...
"Che66 ne répondra pas. Il a mieux à faire. Circuler dans des galeries, creuser, forer, faire trembler la société sur ses fondements. L'émule de Gary McKinnon (hacker britannique né en mille neuf cent soixante-six à Glasgow et auteur du plus grand piratage militaire de tous les temps) n'est armé que d'une pelle : cela risque de prendre un peu de temps avant que le système s'effondre. Malgré tout, il travaille avec sérieux et gravité.
Il pourrait se servir de ses talents informatiques pour tricher à des jeux en ligne, dérober des données confidentielles, mots de passe, codes secrets, coordonnées bancaires. Empocher des millions de dollars sans aucune difficulté, s'offrir des vacances à Ibiza, une boîte de nuit, un yacht extravagant. Le jeune homme n'y pense même pas. Ses capacités d'analyse, son sens de l'observation, ses microprocesseurs déguisés en neurones, il préfère en faire bon usage. Badigeonner de slogans altermondialistes les blogs de chefs d'entreprise influents, saboter les forums de militants d'extrême droite, ou encore remplacer la page d'accueil d'un site antisémite par un défilé d'ours en peluche."