Les Habits du plongeur abandonnés sur le rivage par Anaïs Alexandre

L'héroïne, dont on ne connaît pas le nom, est américaine et se rend au Maroc seule suite à un événement qu'on découvrira au fil du récit. Au moment de s'enregistrer à l’hôtel elle se fait voler son sac avec ses papiers d'identité. La police locale lui restitue un passeport qui n'est pas le sien. Elle choisi alors d'adopter cette nouvelle identité. Suite à un certain nombre de coïncidences, elle se retrouve doublure pour une célèbre actrice américaine. Loin de tous ses repaires, endossant une nouvelle identité, elle expérimente une nouvelle forme de liberté et de risque aussi.


Le roman est écrit à la deuxième personne du singulier. Passées les deux premières pages cela ne gène en rien dans la lecture. Très vite ce "tu" devient naturel, immersif, entêtant. On devient l’héroïne, on est au plus prés de ses errements et de ses choix. Plus elle s'enfonce dans ses mensonges, plus elle ose de nouvelles choses. Elle semble embarquée dans une fuite en avant, sur une pente de plus en plus raide. On la découvre en même temps qu'elle-même apprend à s'accepter, s'aimer. J'ai trouvé ce roman troublant et déstabilisant. Je l'ai lu presque d’une traite et j'en suis sortie avec l'impression de ne plus savoir non plus qui j'étais.



"Les circonstances extrêmes exigent un changement radical, conclut-il. Du moins si on veut survivre."



Tout au long du récit des brides biographiques nous sont données. On comprend les failles et les complexes de cette femme. Avec subtilité l'autrice questionne la notion d'identité. C'est quelque chose qui traverse toute la vie de l’héroïne. On comprend au fil du récit que c'est une femme qui a du mal à trouver sa place. Lors d'un échange avec l'un des gardes du corps passionné d'ornithologie on retrouve ce thème. Il explique la nescessité pour les oiseaux de s’adapter pour survivre. Or, l’héroïne est en constant changement au point de ne plus savoir où se trouve sa véritable identité. Le roman n'offre pas de réponse mais rappelle à quel point nous sommes capables d'adaptation.


Avec subtilité et une forme d'ironie, l'autrice offre également une satyre d'Hollywood et un regard décalé sur la féminité. Il y a une réflexion sur le corps, sur l'apparence et sur la manière dont on juge les femmes sur leur physique.



Tu ne crois pas avoir déjà porté une jupe plissée et un chemisier cintré à manches longues avec un foulard, mais tu décides que dorénavant tu le fera plus souvent. D'habitude, ton style n'est pas très différent de celui de l'équipe du film, mais tu comprends aujourd'hui que le monde - représenté ici par le directeur de l’hôtel Regency de Casablanca - te voit différemment quand tu es habillée comme ça et que tu camoufles avec du maquillage les irrégularités de ta peau.



C'est un roman surprenant et audacieux dont l’héroïne ne m'a pas lâchée même une fois le livre refermé.

Anaïs_Alexandre
10

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Créée

le 19 mai 2019

Critique lue 235 fois

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