Livre très long, odieusement compliqué, qui part dans tout les sens. La technique d'écriture vous oblige à reconfigurer à toutes les phrases les lieux et ce qu'il est en train de s'y passer, comme si tout le roman n'était qu'un immense délire instable à la Philip K.Dick.

Le monde dans lequel se déroule l'histoire est très étrange, c'est une sorte de description du New York bohème à l'époque de la Beat Generation, mais un New York où la religion catholique serait devenue curieusement à la mode. Les ivrognes de fin de soirée roulent par terre en récitant des passages de la vie des saints, les pubs radios et télés n'arrêtent pas de parler du Christ, pour un résultat le plus souvent effrayant.

Le héros de l'histoire, Wyatt, est un peintre spécialiste de l'époque flamande qui brûle un beau jour ses œuvres personnelles et se lance dans une carrière de faussaire, copiant ou créant de toutes pièces des sois-disant tableaux de maîtres pour le compte d'un marchand d'art véreux qui pourrait bien être le diable et répond au nom de Recktall Brown (ah ah).

("Bon sang, est-ce que je suis le seul qui sente çà ? Est-ce que j'ai inventé tout çà à moi tout seul ? Si vous pouvez faire quelque chose que les autres ne peuvent pas faire, ils croient que vous voulez le faire uniquement parce qu'ils ne peuvent pas...")

Représentant de l'artiste véritable voué à disparaître dans un monde qui récompense de plus en plus les faussaires, Wyatt est de moins en moins nommé à mesure qu'avance l'histoire, avant de ne plus l'être du tout. Il devient alors difficile de le repérer parmi les dizaines de personnages secondaires qui ont croisé sa route. La fin du roman se décale vers l'Europe, après un voyage en bateau aussi cauchemardesque que confus, où on ne sait plus très bien qui est qui, tandis que le thème du faux est développé par le biais d'un dérangeant trafic de momies égyptiennes.

Voilà à peu près tout ce que je me rappelle de ce roman qui en demande beaucoup au lecteur, beaucoup trop pour mes modestes capacités en fait. Pour bien comprendre il semblerait qu'il faille de très bonnes connaissances autant en théologie qu'en histoire de l'art, alliées à une concentration et une attention titanesque.

Le livre est rude et inconfortable. Impitoyable, il n'épargne personne, ni le lecteur, ni les personnages, pas même l'auteur. La hargne de Gaddis à l'encontre du monde contemporain ne semble pas avoir de limites, à tel point qu'elle en devient suspecte. Son premier livre est un immense cri de colère préparé de longue date et qui vous éclate à la gueule quasiment à chaque page.

Si un bon roman doit remuer, déranger, prendre à revers toutes nos habitudes de lecture, alors les Reconnaissances est un très, très bon roman.

Par contre, il faut s'accrocher...

vivianbloom
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le 6 janv. 2012

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vivianbloom

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