Rory est un vétéran de la guerre de Corée. Il y a laissé une jambe. Il est retourné vivre chez sa grand mère Ma en Caroline du Nord. Il est hanté par le secret autour de ses origines que sa mère, muette et internée en hôpital psychiatrique, ne peut pas lui révéler. Pour gagner sa vie, il travaille pour un trafiquant d'alcool. La nuit tombée, il va distribuer le bourbon dans les bordels ou les bars lugubres du coin à bord de sa voiture trafiquée. C'est un monde rude et violent entre les rivalités avec les autres gangs et de flics corrompus. On milieu de cette noirceur, il découvre un pasteur au passé trouble qui prêchent avec des serpents dans les main et il tombe amoureux de sa fille, Christine.


Les intrigues sont denses et multiples. Elles nous parlent de trafics, d'amour, de secrets de famille et de vengeance. Toutes se développent avec une égale importance, témoignant d'une grande maîtrise de la part de l'auteur. L'histoire est tenue d'un bout à l'autre du roman et capte complètement le lecteur. On passe d'une scène de course poursuite haletante à une description d'un paysage sauvage, d'un affrontement à une discutions posée entre deux personnages. Ce rythme qui oscille entre adrénaline et contemplation surprend et contribue à nous immerger dans cet univers.


L'autre force de ce roman se sont les personnages et surtout Ma, la grand-mère. Ancienne prostituée devenue guérisseuse, elle n'a peur de rien sauf qu'il arrive quelque chose à son petit fils. C'est une femme aimante et généreuse, bien que secrète. Elle n'hesite pas à donner des remèdes sans attendre rien en retour aux plus pauvres et passe de longue heures à arpenter la montagne pour trouver les plantes médicinales. C'est une femme libre, forte et déterminée qui m'a particuliérement touché. Rory aussi est attachant car c'est un écorché vif. Il est taiseux et distant mais on devine ses failles et ses espoirs. Les personnages secondaires ne sont pas en reste. Entre le pasteur ambiguë et Eustace le baron du trafic, nous avons à faire à des personnages atypiques et profondément humains. Tous sont traversé par des angoisses, des colères et des espoirs. Ils ont aussi un grand pouvoir de résilience et d'adaptation et cela les rend terriblement vivants. La question de la vengeance et aussi bien traitée car très nuancée.



Chaque jour de sa vie, jusqu’à ce que l’hôpital psychiatrique la lui prenne, sa fille avait eu de quoi manger, qu’importent les péchés que ça lui coûtait. Ensuite, elle avait pris soin de Rory. C’était pour le protéger qu’elle avait suspendu des bouteilles dans l’arbre. Quand il était parti en Corée, elle n’avait jamais cessé de prier. Pas le dieu des églises, mais le sien propre. Celui qui siégeait pas loin, peut-être plus haut dans la montagne. Car c’était là une demeure idéale pour un dieu, bien plus qu’un bâtiment ou un livre. Ici, on la comprenait. Elle était rusée, bien sûr, mais pas hypocrite. Toute sa vie, elle s’était battue comme une bête. Le Christ ensanglanté, cloué nu et hurlant sur la croix – les os fendus par le fer de la lance, le corps fouetté jusqu’à la chair -, était un dur au mal. Pour sûr, il avait du cran, un cœur de fauve. Comme elle. Tout le reste, elle n’en avait rien à faire.


J'ai été particuliérement sensible aux dialogues. Ceux-ci ne sont pas nombreux mais toujours précis et ciselés. Les silences en disent autant que les paroles. Les personnages s'expriment avec une économie de mots qui rend leurs interventions toujours percutantes et justes. Il y a dans les échanges une forme d'humour, d'ironie légère. Plus globalement, le style de Taylor Brown, traduit par Laurent Boscq, est aiguisé et précis tout en ménageant une part de lyrisme.



Ne passe jamais la bague au doigt d'une fille avant de la mettre dans ton lit, mon petit. C'est un principe de vie. Si elle désire Jésus plus que toi dans son corps, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche.



Les dieux de Howl Mountain est un excellent roman noir qui nous embarque immédiatement. Ma est un personnage qui va m'habiter quelques temps encore je pense.

Anaïs_Alexandre
9

Créée

le 22 mai 2019

Critique lue 101 fois

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